Un abattoir disséqué au scalpel
Poche. Dans un abattoir de poulets en Bretagne, un secrétaire d’Etat vient, pour la 3e fois, rendre visite aux salariés. La situation économique est catastrophique. Le politique de Paris n’a pas de solution, ceux de là-bas pas plus, alors, alors, en désespoir de cause, ils le séquestrent. Jusqu’ici, c’est un roman de dénonciation. Mais Arno Bertina ne s’en contente pas. Il fouille la honte, la haine, la frustration de ces hommes broyés par l’économie de marché et qui, à force de subir l’injustice, n’ont plus d’autre réponse que celle de la faire changer de camp. Ils s’en prennent à un innocent. C’est un livre de révolte, radical, déterminé, gorgé de peur et de sueur, qui, sans la justifier, dit la source de la violence. Une radiographie de la société, surtout. Sous la peau, les viscères. Ce réel méconnu ou méprisé, qui dérange et bouscule. Un uppercut, une grande leçon et une démonstration de ce que peut faire la fiction quand elle est maîtrisée : exhiber l’humanité, son corps exploitable, son coeur exploité, son inhumanité
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« Des châteaux qui brûlent », d’Arno Bertina (Folio, 464 p., 8,40 €).