Le Point

Cinéma (« Mon chien stupide ) : quand Yvan Attal filme sa femme

Dans « Mon chien stupide », Yvan Attal filme encore sa femme ! Perversion ou hommage ? Elle témoigne.

- PAR JEAN LUC WACHTHAUSE­N

Dans cette belle maison du Pays basque, tout le monde s’engueule : le mari, la femme, les enfants. Même le chien, un énorme mâtin de Naples qui sent très fort, est de mauvaise humeur. Ecrivain en panne d’inspiratio­n, Henri (Yvan Attal) est en pleine crise de la cinquantai­ne. Plus envie de rien. Il ne supporte plus la vie de famille avec ses quatre enfants. Réflexion de sa femme Cécile (Charlotte Gainsbourg) à son propos : « paresseux, arrogant, égocentriq­ue, connard ». Bonjour l’ambiance !

Installée tranquille­ment devant un chocolat chaud, la comédienne sourit et rectifie : « Il y a toujours des moments dans un couple où on ne se supporte plus et d’autres où on s’aime d’amour fou. Elle l’aime, malgré tout. » Elle a lu le roman de John Fante, « plein d’ironie, drôle, acerbe », mais souligne qu’il y a «plus de tendresse» dans le film de son mari. « J’aime bien le personnage d’Henri. Sa femme, elle, n’existe pas. Elle est raciste et reproche à son fils de sortir avec une strip-teaseuse noire. Je ne me reconnaiss­ais pas en elle. Par chance, Yvan a étoffé mon rôle ».

Unis dans la vie depuis vingt-huit ans, Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg n’ont jamais hésité à se mettre en scène face caméra, à mêler un peu leur propre vécu à la fiction. Depuis l’époque de « Ma femme est une actrice » (2001) et « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » (2004) jusqu’à « Mon chien stupide », le couple est leur terrain de jeu. Source d’une ambiguïté parfois cruelle entre le vrai et le faux, le réel et l’imaginaire. D’où le charme de ces comédies un peu sombres, anti-politiquem­ent correctes, où l’on se jette des horreurs à la tête tout en s’aimant. « Ce n’est pas une thérapie ni une analyse. On n’apprend rien sur notre couple, prévient-elle d’emblée. C’est un jeu entre nous, mais il n’y a pas de doute. On n’a pas du tout l’impression de jouer nos vies. C’est une fiction. Et je n’ai pas envie de ressembler à mon personnage, alcoolique et dépressif, ni Yvan au sien, souvent insupporta­ble. Evidemment, dans nos rôles, il y a toujours une part de nous-mêmes. On s’amuse du fait que nous sommes un couple complice dans la vie, ce qui rend l’histoire crédible. Ça s’arrête là. »

Chez les Attal/Gainsbourg, le cinéma se fait en famille, enfants compris – leur fils Ben est au générique. « On n’a pas toujours le temps de se voir et ça me plaît beaucoup de nous retrouver sur un plateau de tournage, confie l’actrice, qui se souvient de son père, avec lequel elle a travaillé toute jeune à l’époque de l’album “Charlotte for ever” (1986). Il n’avait pas peur de travailler en famille, d’écrire pour ses proches, de les filmer, de les écouter. Il m’a donné le plaisir de faire ce métier et de le transmettr­e. Ma mère m’a beaucoup guidée aussi. »

«Plaisir masochiste». Fragile, traqueuse, peu sûre d’elle-même, avoue-t-elle, Charlotte Gainsbourg garde la tête sur les épaules lorsqu’il s’agit de devenir l’« outil » d’un metteur en scène directif, de s’impliquer dans un rôle, surtout après avoir travaillé avec le sulfureux Lars von Trier, époque « Antichrist », « Melancholi­a » et « Nymphomani­ac ». « C’était un jeu cruel, un plaisir masochiste, se souvient-elle. Il me poussait à bout, me manipulait, mais je l’acceptais venant de lui, pas de mon mari, à qui je ne demande que de l’humanité. La différence est que je ne retrouve pas Lars von Trier dans mon lit, le soir. Il y a une vraie dualité entre mon compagnon, avec qui je suis à égalité, avec qui je partage tout, et le metteur en scène qui me dirige. »

Et c’est là que la fiction de « Mon chien stupide » rejoint en courant la réalité. Petit dilemme amusant pour la femme et l’actrice : « Accepter de servir quelqu’un que je refuse de servir dans la vie [rires]. Rassurez-vous, je ne le ferais pas si c’était un cauchemar. Pas de masochisme avec lui. J’attends qu’il me caresse dans le sens du poil, qu’il me flatte. »

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Je t’aime moi non plus. Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal à nouveau réunis dans « Mon chien stupide ».

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