Aurélie Jean, l’étoile scientifique qui monte
« Les méfaits des algorithmes, c’est nous », pointe la « numéricienne ».
Décembre 1969, Richard Feynman, costume sombre et enthousiasme contagieux, entre dans une salle du campus du Caltech pour dispenser un cours sur la physique quantique. Applaudissements. Eté 2019, la « numéricienne » française Aurélie Jean slalome dans les allées de la Sloan School du MIT avant de dispenser un cours sur l’algorithmique. Même ferveur dans la salle, alors qu’elle va transmettre sa passion sur « un ensemble de règles opératoires dont l’application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d’un nombre fini d’opérations ». Mais qui est Aurélie Jean, qui marche sur les pas des plus grands? Après avoir travaillé à l’université d’Etat de Pennsylvanie, au MIT et chez Bloomberg, à New York, elle partage depuis deux ans sa vie entre le Nouveau Continent et la France. Attention, boule de fraîcheur ! La chercheuse de 37 ans, qui voit des cohérences scientifiques dans le film «Retour vers le futur» et est fan du « Joueur d’échecs », la nouvelle de Stefan Zweig, explique que les erreurs sont salvatrices. Dans le très personnel et inspiré « De l’autre côté de machine. Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes », elle revient sur son histoire d’amour avec la science.
Si, pour cette admiratrice de l’univers de Lewis Carroll, la science nous ouvre bien des portes, pas question de tomber dans l’angélisme. Celle qui tient chaque semaine une chronique sur le site du Point se définit comme une « techno-réaliste », qui refuse de céder au « solutionnisme technologique », une nouvelle religion, tout en défendant les bénéfices et opportunités des technologies. Elle explique que c’est sa professeure de physique qui lui a donné le goût de ceux qui ont fait avancer les sciences : Galilée, Marie Curie ou le mathématicienetastronomeperseMuhammad ibn Musa al-Khwarizmi, dont le nom latinisé a donné naissance au mot algorithme. Après nous avoir alertés sur les biais que ce type de programme comporte trop souvent, elle nous rappelle une évidence : « Les vrais coupables des méfaits dont on accuse les algorithmes, c’est nous ! »
« Caméléon social »
Le souhait de celle qui a soutenu sa thèse à l’Ecole des mines de Paris ? « Que les scientifiques deviennent philosophes, comme l’étaient Euclide, Descartes, le Britannique Paul Dirac, le Français Georges Canguilhem ou l’Américain Richard Feynman. Jamais, même au plus haut, nous ne devons oublier l’humain », explique la trentenaire qui cite l’acteur américain Jack Lemmon : « Peu importe à quel point vous rencontrez le succès, renvoyez toujours l’ascenseur. »
La lutte contre les préjugés est un des combats de celle qui a été élevée comme un « caméléon social » par son grand-père Albert, ouvert d’esprit, féministe et ancien responsable administratif du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Autre urgence, celle de réduire le divorce entre grand public et savants. « Nos dirigeants ont traditionnellement des formations en lettres, en sciences politiques ou en économie. Très peu ont des formations scientifiques. (…) On me dira qu’il y a bien Cédric
Son souhait ? « Que les scientifiques deviennent philosophes, comme l’étaient Euclide, Descartes, Dirac… »