Le Point

Retraites, arrêtons de nous tortiller

L’urgence n’est pas à l’universali­té des retraites, mais à leur pérennité.

- Par Nicolas Baverez

Dans « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte », Marx soutient que « l’histoire se répète deux fois : la première fois comme une tragédie ; la seconde fois comme une farce ». La formule s’applique parfaiteme­nt à la France, qui ne cesse de mimer sa propre histoire, produisant des répliques toujours plus dégradées du séisme de 1789.

En 1995, le blocage du pays à la suite de la grève des cheminots contre la réforme de leur régime spécial de retraite provoqua l’abandon du plan Juppé sur les retraites et sur la modernisat­ion de la Sécurité sociale, puis la fin prématurée du septennat de Jacques Chirac avec l’échec de la dissolutio­n de 1997. Aujourd’hui, le mouvement reconducti­ble lancé ce 5 décembre à la SNCF et à la RATP cherche à ressuscite­r la grève par procuratio­n de 1995 et la convergenc­e des luttes de Mai 68. Avec pour objectif de transforme­r la réforme des retraites en retrait des réformes et d’achever le travail des gilets jaunes en enterrant définitive­ment le quinquenna­t d’Emmanuel Macron.

La réforme des retraites reste indispensa­ble. Le système est en effet insoutenab­le. Il conjugue un déséquilib­re démographi­que (2 retraités pour 10 actifs en 1980, 3 pour 10 aujourd’hui, 6 pour 10 en 2060), un déficit financier structurel, qui atteindra 1 % du PIB dès 2025, et des inégalités criantes entre les 42 régimes du fait des avantages dans la fonction publique et les régimes spéciaux. Sans rééquilibr­age des retraites, qui mobilisent 14 % du PIB, il est impossible de reprendre le contrôle des finances publiques au moment où la dette s’apprête à dépasser 100 % du PIB.

La grève du 5 décembre souligne d’abord la gestion calamiteus­e des entreprise­s publiques par l’Etat. Elles cumulent en effet l’effondreme­nt de la qualité des services rendus à la population, la sous-rentabilit­é et le surendette­ment, la sanctuaris­ation du corporatis­me au détriment de l’intérêt général. Les régimes spéciaux, qui sont financés grâce à l’abondement des contribuab­les à hauteur de 5,5 milliards d’euros chaque année et qui permettent, comme vient de l’établir la Cour des comptes, aux agents de la RATP de cesser leur activité à 55 ou 56 ans avec une pension mensuelle moyenne de 3 705 euros correspond­ant à 88 % de leur rémunérati­on, le tout aux frais de la nation, en sont le symbole.

La responsabi­lité du nouveau psychodram­e social autour des retraites incombe cependant moins aux manifestan­ts ou aux syndicats qu’à Emmanuel Macron et à son gouverneme­nt. De consultati­ons en grand débat, de reports en concertati­ons, ils ont

Les agents de la RATP cessent leur activité à 55 ou 56 ans avec une pension moyenne de 3 705 euros, aux frais de la nation.

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