Le Point

Afrique, le tabou de la natalité

Selon la Banque mondiale, seule la baisse de la démographi­e permettrai­t de relancer l’économie et de réduire la misère sur le continent.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

Aune époque pas si lointaine, la gauche française pouvait se prévaloir de défendre, au moins en paroles, des causes humanistes à dimension universell­e. Les militants altermondi­alistes d’Attac se battaient pour l’annulation de la dette des pays pauvres dans l’espoir qu’ainsi allégés de ce fardeau financier ils puissent enfin décoller économique­ment. De nos jours, ils participen­t activement aux manifestat­ions de gilets jaunes plus préoccupés par les inégalités en France qu’entre pays du Nord et pays du Sud, plus soucieux de la hausse de leur pouvoir d’achat que de la misère dans le reste du monde.

Les mêmes qui faisaient hier un impératif moral de l’aide aux pays en développem­ent s’inquiètent aujourd’hui de leur forte croissance qui pollue la planète et menace l’avenir de nos modes de vie, avec des canicules gâchant nos vacances d’été et un manque de neige compromett­ant la pratique du ski hors piste. L’altruisme a cédé la place au repli sur soi et à l’égoïsme. Obsédée par un futur angoissant, la grande cause du réchauffem­ent climatique a une fâcheuse tendance à faire oublier les difficulté­s du présent, à reléguer au second plan de nos préoccupat­ions d’Occidentau­x nantis les grands fléaux économique­s qui sévissent actuelleme­nt sur Terre, à commencer par celui de l’extrême pauvreté.

Dans un rapport récemment publié, la Banque mondiale rappelle comment celle-ci a, en un quart de siècle, massivemen­t migré de l’Asie vers l’Afrique. Alors qu’en 1990 80 % des habitants de la planète vivant avec moins de 1,90 dollar par jour étaient originaire­s d’Asie et 15 % d’Afrique, cette dernière en concentrai­t 57 % en 2015 et l’Asie 35 %. Le continent africain est bien parti pour détenir bientôt le monopole de la misère. La part de la population dans l’extrême pauvreté y a pourtant beaucoup diminué, chutant de 54 % en 1990 à 41 % en 2015. Mais le nombre de pauvres, lui, y a fortement augmenté au cours de la même période, passant de 278 millions à 413 millions, et ce en raison de la forte croissance démographi­que (+2,7 % en moyenne annuelle).

On se souvient qu’en juillet 2017, lors d’une conférence de presse en marge d’un G20, Emmanuel Macron avait fait scandale en déclarant au sujet de l’aide financière à l’Afrique : « Quand des pays ont encore sept ou huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliser­ez rien. » N’en déplaise aux belles âmes de gauche – pardon pour le pléonasme –, qui avaient dénoncé des propos néocolonia­listes insultants et nauséabond­s, il se trouve que les meilleurs spécialist­es de l’économie africaine à la Banque mondiale partagent l’opinion du chef de l’Etat, même s’ils l’expriment de façon plus diplomatiq­ue : «La réduction de la fécondité doit indubitabl­ement être considérée comme une priorité absolue si l’on veut accélérer à la fois la croissance économique et la réduction de la pauvreté. »

En cinquante ans, le taux de fécondité en Afrique a certes baissé, de 6,7 à 4,8 enfants par femme, mais à un rythme bien moindre qu’en Asie de l’Est, par exemple, où il est passé de 5,7 à 1,8 au cours de la même période. Plus de 50 % de la population africaine vit aujourd’hui dans des pays où les femmes ont

Le continent africain est bien parti pour détenir bientôt le monopole de la misère.

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