Le rêve impérial de Boris Johnson
Pour amortir le choc du Brexit, le Premier ministre veut s’appuyer sur le Commonwealth. Problème : ce dernier n’a rien d’un bloc économique…
Incliné sur son pupitre, Boris Johnson présente le programme des Tories pour les élections du 12 décembre sans enchaîner, contrairement à son habitude, phrases interminables et plaisanteries désinvoltes. En ce dimanche 24 novembre, à Telford, au coeur de cette Angleterre profonde où se joue le scrutin, le Premier ministre doit inspirer confiance en se montrant pondéré, précis et didactique. Son message est simple : s’il est élu confortablement, le Royaume-Uni sortira de l’Union européenne au 31 janvier – mais s’engagera dans une nouvelle aventure. Le sourire se fait soudain moins discret, le débit s’emballe, les yeux s’illuminent lorsque le leader des conservateurs évoque le Commonwealth, qui, dit-il, « compte les économies les plus dynamiques du monde ».
Depuis l’automne, Johnson a placé la confédération, qui regroupe 53 pays – pour l’essentiel les anciens colonies et dominions de la Couronne –, au centre de sa stratégie électorale. Fondé en 1931 et placé sous le patronage bienveillant, matriarcal et respecté de la reine Elisabeth II, le Commonwealth est l’outil que le Premier ministre compte utiliser pour inventer une « Grande-Bretagne mondiale » (« Global Britain »), hors de l’Union européenne mais tournée vers le reste du monde. Un dessein planétaire libre-échangiste qui doit assurer la relève des quarante-cinq années d’ancrage au Vieux Continent.
Le slogan de campagne « Global Britain » a été officiellement formulé fin septembre, à New York, lors d’une réception organisée en marge de l’assemblée générale des Nations unies en l’honneur du Premier ministre rwandais, Paul Kagame. « Le Commonwealth est une institution extraordinaire, un champion dont la politique mondialiste représente le meilleur de l’humanité », a déclaré Johnson en rendant un hommage au Rwanda – seul membre francophone de l’organisation –, qui doit accueillir pour la première fois la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth à Kigali, en juin 2020.