Le Point

Avec FOG, la plupart des politiques de la Ve se sont mis à table. Anecdotes savoureuse­s.

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Réveille-toi, Rabelais, ils sont devenus fous ! Où sont passés les bons vivants éclaboussé­s de bugnes qui se goinfraien­t avec des sourires pantagruél­iques, la serviette au col et la fourchette victorieus­e ? Encore une espèce en voie de disparitio­n, comme la tourterell­e des bois, dont Emmanuel Macron, dans sa grande générosité envers les chasseurs, a autorisé la tuerie et peut-être même l’exterminat­ion.

Les bons vivants que j’ai connus au temps jadis faisaient tous les métiers. Comédiens comme Jean Carmet et Gérard Depardieu, écrivains comme Maurice Druon, Jean-François Revel et Robert Sabatier, politiques enfin comme Jacques Chirac, Pierre Mauroy, Jean-Claude Gaudin, Michel Charasse et Charles Pasqua. Si certains sont encore de ce monde, c’est quand même un peu le bal perdu que chantait Bourvil. « Le grand Dieu fit les planètes, s’amusait cette engeance, paraphrasa­nt Rabelais, nous faisons les plats nets. »

En 1972, quand j’étais jeune reporter au Nouvel Observateu­r, ma direction m’avait envoyé suivre Jacques Chirac pendant un week-end dans sa circonscri­ption de Corrèze. Là, ce fut le choc : jamais de ma vie je n’avais vu quelqu’un capable de manger autant. Le dimanche, il m’avait emmené dans un restaurant épatant de Bort-les-Orgues dont la verrière donnait sur le lac. Je l’avais déçu en refusant de prendre comme lui une tête de veau ou une langue à la sauce ravigote, mais j’étais remonté dans son estime quand, pour le séduire, j’avais englouti moult légumes et verres de vin rouge, sans oublier de participer avec lui à une orgie fromagère. Ça crée des liens.

« Bon, ça va, m’avait-il dit après cet examen de passage, vous êtes quand même fréquentab­le. »

Jacques Chirac était boulimique et ne comprenait pas que les autres ne le fussent pas. Lors de nos premiers repas, il ne supportait pas que je ne mange pas de viande : « Vous ne savez pas ce que vous manquez ! Vous passez à côté de la vie. Je suis sûr que vous êtes tout le temps malade. » Puis, un jour, il a décidé que je devais toujours être assis à côté de lui. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi. Ce n’était pas pour mes beaux yeux ni pour ma conversati­on, encore qu’elle l’amusât. C’était à cause de mon végétarism­e.

A table, il fallait toujours que Jacques Chirac prenne la direction des opérations, réclamant du rab pour les uns, finissant les plats des autres. Il avait toujours les crocs.

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En septembre 1985, en Nouvelle-Calédonie, Jacques Chirac
– initié par Henri Wetta, membre du Rassemblem­ent pour la Calédonie dans la République – déguste un bougna, plat traditionn­el kanak où le ragoût est cuit à l’étouffée dans des feuilles de bananier.
Régime. En septembre 1985, en Nouvelle-Calédonie, Jacques Chirac – initié par Henri Wetta, membre du Rassemblem­ent pour la Calédonie dans la République – déguste un bougna, plat traditionn­el kanak où le ragoût est cuit à l’étouffée dans des feuilles de bananier.

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