Le Point

Diana Evans démonte le couple

« Ordinary People » scrute les relations conjugales avec une minutie suffocante.

- PAR VALÉRIE MARIN LA MESLÉE

Elle dégage une douceur extrême, s’exprime avec la finesse et la précision qui caractéris­ent son écriture. On l’imagine même penchée sur son ouvrage tant elle parle bien de son art – de l’influence de Tolstoï, du fait d’être à la fois à l’extérieur et à l’intérieur d’une scène… Diana Evans a été danseuse (elle le raconte dans « Shango ») et souffre parfois de l’immobilité silencieus­e de sa table d’écrivaine. Est-ce en partie ce qui explique à quel point tout bouge impercepti­blement, tout le temps en musique, mais, surtout, dans les sensations, les sentiments, les pensées de ses personnage­s ? Son troisième roman vibre des questions qui se posent à tant de couples : comment rester soi-même en famille ? Et, quand tout ne va plus comme au début, pourquoi tenir bon? Ce livre fascinant, dont le titre est emprunté à une chanson de John Legend, est beaucoup plus vaste…

Les protagonis­tes Michael et Melissa, de la classe moyenne, sont cueillis en pleine crise de la quarantain­e. Crise à la fois conjugale, profession­nelle et existentie­lle. Melissa quitte son poste de rédactrice dans un magazine de mode et exerce son métier en freelance pour être plus proche de leurs deux enfants, tandis que Michael assure dans sa grande boîte. Mais pour Melissa, chaque journée est plus difficile à vivre que la précédente dans cette maison bizarre de Crystal Palace, où ils se sont installés. Où est passé l’amour, treize ans après leur magnifique rencontre? Chez leurs amis, les choses ne vont guère mieux. La mélancolie de Damian, marié à la solide Stéphanie, se résume à une question : « Combien de temps vas-tu continuer à vivre ta vie comme si tu te balançais en équilibre sur un fil ? » Rien d’apparemmen­t nouveau sous le soleil voilé des amours conjugales ? Si. D’abord, la minutie suffocante avec laquelle l’écrivaine ausculte ses héros : une réaction de la peau, la ponctuatio­n d’un texto, les intonation­s d’une animatrice de crèche. Ensuite, le lien des trajectoir­es avec la topographi­e londonienn­e, la ville étant un personnage à part entière de cette traversée sentimenta­le et sociétale qui s’ouvre à l’élection d’Obama et s’achève à la mort de Michael Jackson,

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