Les duellistes des Lumières
Roger-Pol Droit raconte dans un roman l’amitié impossible entre Voltaire et Rousseau.
baisait mal (dixit Emilie et Mme Denis) ; l’autre ne jurait que par la nature, refusait la richesse, « disait plus qu’il ne faisait » et, en amour, se donnait peu mais tout entier (à ses protectrices ou à de sages lingères). L’un incarnait la France « d’en haut », libérale et progressiste, l’autre celle « d’en bas », idéaliste et écolo. Pendant plus de trente ans, ils se sont écrit, lus, admirés, défiés, moqués, insultés et affrontés avec acharnement, sans jamais se rencontrer. Morts à deux mois d’intervalle en 1778, ils reposent depuis deux siècles à 25,30 mètres l’un de l’autre dans la crypte du Panthéon.
Dans ce premier roman vaudevillesque, notre collaborateur Roger-Pol Droit les rassemble enfin, par la fiction et pour de bon. Dans une langue poudrée délicieusement XVIIIe et sur un ton aussi docte que mordant, le philosophe et journaliste nous rappelle qu’avant les chefs-d’oeuvre, les boulevards et les statues, ces deux-là étaient de chair et de sang, géniaux mais fragiles, obstinés, paranos, mégalos, désespérés ou hargneux, et que ce qu’ils avaient en commun, en plus de la haine du despotisme, de la passion de la liberté (et d’un goût évident pour les hennissements joyeux), c’était d’être humains. « Et si Voltaire et Rousseau relevaient plutôt de Newton, de la gravitation universelle ? » s’interroge Roger-Pol Droit par la voix de D’Alembert. Ni la vie, ni la mort, ni la philosophie n’avaient réussi à réunir les deux monstres penseurs. La littérature s’en est chargée. Et c’est explosif
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