Le Point

Des blondes dans la peau

- MARIE-FRANÇOISE LECLÈRE

Il s’appelle Jean, il a 78 ans et il vit reclus dans un ancien couvent. C’est un auteur célèbre, mais il n’écrit plus. Un vendredi soir, dans le bar PMU de son village, il croise la chanteuse d’un petit groupe de rock amateur. Elle est blonde, vulgaire, navrante, attendriss­ante. Surtout, elle rappelle à Jean un amour ancien, obsédant, dont il n’a jamais pu se défaire, pour la très magnétique Platine, une icône de la scène punk new-yorkaise des années 1970-1980 : la chanteuse du groupe Blondie, en d’autres termes Debbie Harry*, à la fascinante bouche en coeur immortalis­ée par Andy Warhol. Evidemment, les deux filles vont se mêler dans la tête, dans la vie du pauvre Jean, d’où ce pluriel employé dans le titre : « Platines ».

On cavale d’une boîte de Bowery, à New York, qui sent la pisse et le chili, à un jardin d’odeurs en Normandie, du bunker de William Burroughs à la remise d’un prix Goncourt, de lits défaits en plateaux de cinéma. Julien Decoin (« Un truc sauvage », « Soudain le large») réussit là un roman musical rythmé, rapide, cru, brutal même, avec des moments de drôlerie et de (brèves) plages romantique­s. Il y a de la nostalgie dans l’air et la mort rôde. C’est surprenant, attachant. Mais n’est-ce pas la moindre des choses quand on parle de femme fatale ?

Les Mémoires de la chanteuse viennent d’être publiés sous le titre « Face it » (non traduit, HarperColl­ins Publishers). « Platines », de Julien Decoin (Seuil, 240 p., 18 €).

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