Le Point

Un Dionysos dionysien

- MARINE DE TILLY

Roman. Paul, 30 ans, traîne, boit et fume comme un poète maudit. Il ne travaille pas – « Trop gâté, trop paresseux, trop créatif, écrit-il. Le travail est une valeur de nazi, de toute façon », non ? Alors Carine, sa copine, trime. N’ayant pas les moyens de payer le loyer de sa piaule mansardée dans le Marais, le couple se retrouve dans un F2 à Saint-Denis. Là-bas, dans le 9-3, entre une nécropole pour rois de France et un stade de foot pour défoncés, il zone, vend des bières au Leclerc, délaisse Carine, déprime, mais pas uniquement. Parce qu’à Saint-Denis il y a des vrais gens. Même qu’on peut leur parler, les écouter, même qu’ils ne volent ou ne tabassent pas toujours le blanc-bec qui passe par là. L’épicier, le coiffeur égyptien, les bandes de Noirs et les bandes d’Arabes, les clodos, les Gitans et les chiens errants lui font peur, au bourgeois blanc, mais ils ne lui font pas de mal. Mieux, ils lui font du bien. C’est rare, à 30ans, d’être bercé comme un enfant. Le temps d’un (premier) récit musical et beau comme du Mano Solo, tour à tour bourré, shooté à l’herbe ou aux vapeurs de fumée des Caddie-barbecues, lové dans les bras métallique­s d’un dealer de crack ou dans les yeux mous d’une grosse Noire à boubou, Paul n’est plus un bobo déclassé ou un artiste raté ; il devient l’un des leurs, un petit Dionysos pâle rongé d’excès et de folie, un Dionysien. Doux et rugueux, comme il est réussi, son Saint-Denis, la nuit

« Paris-Saint-Denis », de Paul Besson

(JC Lattès, 200 p., 18 €).

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Un mur peint à Saint-Denis (en médaillon, l’écrivain Paul Besson).
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