Le Point

Les mots du vin

Petit abécédaire du champagne. Qui comprend bien déguste mieux…

- J. D.

Le vin a ses mots, et pas seulement pour décrire les arômes ou les saveurs. Les termes techniques échangés entre profession­nels relèvent bien souvent du finno-ougrien pour le commun des mortels. Dans la famille champagne, c’est, si l’on ose dire, un peu pire, car le même mot désigne parfois deux choses différente­s. Ainsi, cuvée signifie, comme ailleurs, une sélection spéciale (cuvée Vieilles Vignes ou Gustave, en l’honneur du grand-père), mais aussi le meilleur jus sorti du pressoir. Un brut nature n’a ainsi rien à voir avec les liquides distribués dans les bars à vins branchouil­les, c’est un champagne sans dosage… D’où la nécessité de ce petit lexique, visité et actualisé chaque année. Incomplet, certes, mais néanmoins utile. Pour le reste, le mieux est d’apprendre sur place. Le vigneron champenois est, par « nature », accueillan­t et pédagogue…

Fcomme foudres Ce sont des gros tonneaux de capacité variable. Ils avaient presque disparu en Champagne, au profit des cuves en Inox. On y revient pour l’élevage des vins de réserve, ceux que l’on utilisera les années suivantes, ou même pour vinifier. Ils apportent rondeur et complexité.

Mcomme millésimé C’est un champagne issu d’une seule vendange. On ne millésime en principe que les grandes années – 1990, 1995, 1996, 2002, 2004 ou, plus récemment, 2008 et 2012. Certaines maisons ont choisi de millésimer presque tous les ans, souvent par volonté de laisser une trace de l’année. Après tout, dans les autres vignobles aussi, on millésime toutes les récoltes… même les moins bonnes.

Mcomme mousse Après l’assemblage, le vin est mis en bouteille, accompagné d’une liqueur de tirage (un mélange de sucre et de vin) et d’un levain (levures sélectionn­ées). Ce dernier va s’attaquer au sucre et provoquer la création de gaz carbonique. Cette « prise de mousse »,

qui dure environ deux mois, est ■ prolongée par un élevage (quinze mois minimum au total). La bouteille est capsulée (certaines cuvées rares sont bouchées avec un bouchon de liège maintenu par une agrafe).

Ncomme nature Voir dosage. De plus en plus de maisons et de vignerons proposent des champagnes très peu dosés (extrabruts) ou sans dosage, dits « nature ». On utilise, dans la plupart des cas, des vins un peu plus anciens – arrondis par le temps et l’élevage – que dans le brut normal.

Ocomme ouvrir Toujours tenir le bouchon et tourner la bouteille : on a davantage de force. Surtout viser un mur, ne jamais déboucher une bouteille en face d’une personne. C’est une cause fréquente d’accident.

Pcomme prestige Millésimée ou non, la cuvée prestige est composée d’une sélection de terroirs et provient, généraleme­nt, de la première presse après éliminatio­n des tout premiers jus qui sortent du pressoir.

Dom Pérignon, Cristal de Roederer, Grand Siècle de LaurentPer­rier, Grande Dame de Veuve Clicquot… Toutes les maisons ainsi que la plupart des vignerons indépendan­ts ont leur cuvée prestige.

Les plus connues.

Rcomme rosé Il est souvent obtenu par adjonction de vins rouges (de Champagne) – c’est même le seul vignoble où cette pratique est autorisée. Certains producteur­s préfèrent la pratique en usage dans les autres régions, c’est-à-dire une courte macération (cuvaison) pour extraire suffisamme­nt de matière colorante. Cela donne des rosés vineux de repas. Le rosé élégant d’apéritif est, le plus souvent, issu de chardonnay coloré au vin rouge. Les rosés peuvent être millésimés ou non.

Scomme solera A l’origine (en Espagne, du côté de Jerez) un empilage de fûts. Les vins les plus jeunes sont stockés en haut. On prélève un certain volume dans ceux du bas et on compense en se servant des plus jeunes. En Champagne, le plus souvent, on soutire un petit volume chaque année, remplacé par des vins de millésimes récents. On marie ainsi fraîcheur et maturité.

Tcomme températur­e Ne pas le servir glacé, sinon les arômes sont tués. 8 à 10°C pour un non-millésimé, 10° C pour un millésimé, jusqu’à 12° C pour un vieux flacon. Préférer la flûte à la coupe, bien plus jolie mais qui emprisonne moins les arômes. Sinon, un verre à vin classique, resserré en haut. Servir les blancs de blancs (chardonnay­s), plus floraux, ou les pinots meuniers, fruités et plus ronds, à l’apéritif, et les pinots noirs, vineux, au cours du repas. Et les millésimes jeunes plutôt avant le repas.

Tcomme terroirs On distingue une multitude de crus ou de villages et quelques grandes zones.

Un des plus réputés ensembles de la Champagne, qui va d’Epernay à Vertus et où se récolte en priorité le chardonnay. Les villages d’Avize, Chouilly, Cramant, Cuis, Le Mesnil, Oger, posés sur un sous-sol de craie, offrent chacun des caractères différents. Autant un mesnil est tranchant, très vif et de garde, autant un chouilly se montre tendre et séduisant.

En aval d’Epernay, les coteaux qui dominent la Marne ou qui bordent ses affluents. Le pinot meunier en est le cépage principal, complété par le chardonnay et par le pinot noir.

Entre Epernay et Reims, un gros massif calcaire aux sols et aux exposition­s variés où le pinot noir règne en maître (Ambonnay, Bouzy, Verzenay, Verzy). On y trouve également

La côte des Blancs. La vallée de la Marne. La Montagne de Reims.

de grands chardonnay­s, plus rares (Mailly, Trépail, Villers-Marmery).

On désigne ainsi le vignoble de l’Aube, plus proche de la Bourgogne, dont certains vins peuvent témoigner de cette proximité. Le pinot noir domine, le meunier en est pratiqueme­nt absent. Deux crus sont devenus des références : ceux des Riceys, où l’on produit aussi un rosé sans bulles de grande garde, et de Montgueux, près de Troyes, réputé pour ses chardonnay­s.

La côte des Bars.

Vcomme vendanges Elles se font obligatoir­ement à la main pour éviter que la peau des raisins rouges colore les jus blancs (pinot noir et meunier sont des raisins rouges, seul le chardonnay est blanc).

Vcomme vieux champagnes Contrairem­ent aux idées reçues, le champagne vieillit très bien si on le conserve à l’abri de la lumière et si le bouchon remplit bien son rôle. De plus en plus de maisons proposent de très anciens millésimes, conservés dans leurs caves et dégorgés à la demande. Il nous est arrivé, en Champagne, de déguster des millésimes antérieurs à la Première Guerre mondiale. A la maison aussi, on peut garder et faire vieillir quelques années des cuvées millésimée­s. Des millésimes comme 1982, 1988, 1990, 1995, 1996, 2002 ou 2008, soigneusem­ent conservés, sont délicieux aujourd’hui

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