Frappée par son mari, maire de la ville du romantisme, Solène Mauget est devenue un symbole. Cabourg : après les coups, la gêne
Tout avait si bien commencé. Le 27 août 2016, sous le soleil de Normandie, le maire de Cabourg convole en sa mairie. Les mariés posent pour les photographes et la presse consacrera quelques lignes à ce mariage un brin mondain à « Balbec », cité chérie des proustiens. Sur le parvis de l’hôtel de ville, les badauds aperçoivent le Premier ministre, Manuel Valls, et son épouse d’alors, Anne Gravoin, en compagnie de quelques figures, dont le maire de Deauville, Philippe Augier. Ce 27 août, donc, Tristan Duval, 45 ans, premier magistrat de la ville et producteur de spectacles, épouse en secondes noces Solène Mauget, 38 ans, responsable des programmes culturels à France Télévisions. Les invités passeront la soirée au château Champ de Bataille, propriété de Jacques Garcia, décorateur à la réputation internationale – un autre ami du couple. Cabourg renoue le temps d’une journée avec son passé lié au show-business, ces années où Bruno Coquatrix, directeur de l’Olympia et maire de la ville, attirait le Tout-Paris au casino, à deux pas de la plage.
Ce mariage fut une surprise pour les invités comme pour les mariés eux-mêmes. Si Tristan Duval et Solène Mauget se connaissent depuis deux ans, ils ne se fréquentent que depuis huit mois. Tout est allé très vite. Trop vite? Derrière le masque des sourires, les mariés doutent. La veille, elle a pleuré, persuadée de faire une erreur, de « se faire avoir comme une gamine », confie-t-elle alors à ses proches. Quant à lui, il ne parvient pas à oublier un texto que lui a envoyé son frère jumeau lui disant en substance : « Je suis bouleversé du choix de vie que tu es en train de faire avec Solène (…) Tu t’enfermes dans une relation toxique, réveille-toi!» Les conjoints doutent, mais se marient pour le meilleur… et maintenant pour le pire.
Deux ans plus tard presque jour pour jour, le 7 août 2018, à Cabourg toujours. Vers 21 heures, une femme déambule en pleurs dans les rues de la ville, le visage ensanglanté. Ecchymoses, griffures au front, Solène Mauget est en état de choc. Elle entre dans un restau
« Cette relation, ç’aura été six mois d’idylle, six mois de doutes, six mois d’enfer. »
Solène Mauget
rant et les secours sont appelés sur place. Elle explique aux policiers avoir été bousculée et jetée au sol par son mari, puis avoir reçu des coups au visage et dans les côtes. Ces blessures lui vaudront une incapacité temporaire totale de quatorze jours. Elle porte plainte pour violences conjugales. Son conjoint en fait de même. Se met alors en branle une machine judiciaire et médiatique qui va échapper à tout le monde : leur idylle était publique, leur calvaire le sera aussi.
Passionnels. Avant cette soirée, cela fait déjà plusieurs mois que les conjoints se disputent régulièrement. C’est après la naissance de leur fille que leur relation bat de l’aile. Elle lui reproche son absence, sa réputation de coureur, ses secrets – nombreux –, qu’elle découvre au fur et à mesure que les huissiers se présentent au domicile conjugal, réclamant des loyers impayés, dont elle avait pourtant réglé sa part auprès de son mari. Lui redoute ses colères et lui rappelle sans cesse son amour, à grand renfort de SMS romantiques. Ils alternent SMS ponctués de coeurs et mots de rupture. Un drôle de train-train s’installe. Ils se séparent, se rabibochent, s’envoient des mots d’amour, se séparent à nouveau. Ils consultent. Un jour, il prend ses affaires, s’en va et laisse un mot : « Salope ». Il s’en excuse par la suite. Elle le quitte plus souvent qu’il ne la quitte. Leurs échanges sont passionnels, charnels, houleux, violents, contradictoires, en un mot comme en cent toxiques. «Cette relation, ç’aura été six mois d’idylle, six mois de doutes, six mois d’enfer », raconte-telle à ceux qui l’interrogent. « Bien sûr qu’il aurait fallu arrêter cette relation bien avant cette soirée du 7 août. On a laissé entrer de la violence dans notre couple, ce qui n’aurait jamais dû arriver », concède Tristan Duval, pour qui « la soirée du 7 août était la conséquence de [la] jalousie maladive et obsessionnelle » de son épouse, qui voulait le quitter.
S’il nie lui avoir asséné des coups pendant cette soirée, il a pourtant été condamné à trois mois de prison avec sursis. Le tribunal a considéré qu’elle ne pouvait se retrouver avec ces blessures face au scénario du maire. Scénario, « qu’il inventait », avance-t-elle. Pour sa défense, Tristan Duval insiste sur le contexte et la personnalité de son épouse. Il décrit une femme impulsive, maladivement jalouse, imprévisible : « Je vivais tellement dans la peur qu’elle avait accès à tout. Les codes des iPhone et des iPad étaient sa date d’anniversaire à elle, ce qui peinait mes enfants, d’ailleurs», expliquera-t-il plus tard. « Comme tous les hommes violents, il essaie de me faire passer pour hystérique et folle, c’est un classique. Si j’avais été le monstre qu’il décrit, pourquoi voulait-il tant que je reste à ses côtés ? » interroge-t-elle.
Dans les semaines qui suivent cette soirée de violences conjugales, le sujet n’occupe que quelques lignes dans la presse locale. Dans le microcosme parisien, pourtant prompt à défendre la juste cause des femmes battues, on se tait. Sur l’avenue de la Mer, l’artère commerçante de la cité balnéaire, on ne recueille pour l’essentiel que des réactions gênées autour de ce qu’il convient d’appeler «l’affaire»… On toussote, on renâcle. Personne n’a vraiment envie de s’exprimer sur les démêlés du premier magistrat de la ville avec la justice. Il s’agirait là, paraît-il, d’une « affaire privée », que seule une indélicate pulsion voyeuse peut intéresser. Et puis revient souvent ce refrain bizarre : « Cette affaire n’intéresse que les médias parisiens », explique un journaliste local. Tant que l’affaire n’est pas jugée, personne ici n’a envie que cette histoire n’entache l’image de la ville, à commencer par le maire lui-même. « Que voulez-vous ! Les habitants sont sous le charme de cet homme autodidacte et hyperactif, excessif en tout, capable de déployer des montagnes de volonté. Il est attachant, même s’il ne se départ jamais d’un petit côté Joe l’embrouille »,
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« On a laissé entrer de la violence dans notre couple, ce qui n’aurait jamais dû arriver. »
Tristan Duval