Le Point

Retraites, le grand déni démographi­que

Au lieu de promettre à tous la justice sociale, pourquoi n’avoir pas exploité les statistiqu­es pour adapter à chacun l’âge de départ ?

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de vie : 30 ans en moyenne en 1800, 45 ans en 1900, 66 ans en 1950, 83 ans en 2018. Après avoir longtemps résulté de la chute de la mortalité infantile, la progressio­n de la durée de vie provient surtout, depuis une quarantain­e d’années, de la diminution des risques de décès dans les tranches d’âge élevées, grâce notamment aux avancées de la médecine. L’espérance de vie des hommes à 65 ans est ainsi passée de 13,6 années en 1980 à 19,4 en 2018.

Cette évolution récente enlève beaucoup de sa pertinence à l’argument selon lequel repousser l’âge de départ à la retraite constituer­ait une rupture de contrat. C’est oublier que les termes du contrat lui-même ont été totalement modifiés. Il y quarante ans, les jeunes actifs cotisaient dans la perspectiv­e d’une durée de retraite qui se révèle au final, et fort heureuseme­nt, bien plus longue que prévu. Ce caractère évolutif plaiderait pour qu’on module l’âge de départ à la retraite de façon automatiqu­e en fonction de l’espérance de vie. A ceux qui objectent qu’avec un tel système les gens risqueraie­nt de travailler bientôt jusqu’à 80 ans, voire plus, la réponse est que, sauf à croire

L’espérance de vie à 35 ans d’une ouvrière est supérieure à celle d’un ingénieur.

aux thèses transhuman­istes les plus folles, les gains d’espérance de vie apparaisse­nt tout de même, nature oblige, de plus en plus limités.

Un tel mécanisme aurait en revanche pour grand mérite d’offrir la possibilit­é de corriger aisément, sans se perdre dans les méandres de la pénibilité, les fortes inégalités d’espérance de vie liées à la catégorie socioprofe­ssionnelle, au sexe ou encore à la région où l’on habite. D’abord, plus on est riche, plus on a des chances de vivre vieux. Selon l’Insee, l’espérance de vie à la naissance d’un homme appartenan­t à la catégorie des 5 % de Français les plus aisés est de 84,4 ans, alors qu’elle n’est que de 71,7 ans pour les 5 % de Français les plus modestes, soit un écart de treize ans. L’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est quant à elle inférieure de six ans à celle d’un cadre.

En raison précisémen­t de la proportion importante d’enseignant­s, assimilabl­es à des cadres, dans la fonction publique d’Etat, l’espérance de vie y est aussi nettement plus élevée que dans le reste de la population: de deux à trois ans pour les femmes et jusqu’à quatre ans pour les hommes. D’importante­s disparités régionales existent enfin, avec une durée de vie moyenne de 81,8 ans pour un homme à Paris, de 81,2 ans en

Haute-Garonne, mais de seulement 75,3 ans dans la Nièvre et de 76,1 ans dans le Pas-de-Calais.

En matière d’espérance de vie, la principale différence, pour ne pas parler d’injustice, provient toutefois, en France, de son sexe : 85,3 ans pour une femme en 2018, 79,4 ans pour un homme. Soit un écart de 5,9 années qui, même s’il s’est réduit – il était de 8,3 ans en 1992 –, n’en reste pas moins le plus élevé de toute l’Europe de l’Ouest : il n’est par exemple que de 3,2 ans aux PaysBas. La mortalité reste éminemment genrée en France, au point même d’effacer les différence­s d’origine sociale : l’espérance de vie à 35 ans d’une ouvrière est supérieure à celle d’un ingénieur.

L’Insee disposant de toutes ces statistiqu­es détaillées, il n’y aurait pas d’obstacle technique à faire varier l’âge légal de départ à la retraite en fonction de celles-ci. L’obstacle politique serait en revanche plus difficile à surmonter. On imagine sans peine la réaction de colère indignée des syndicats et la protestati­on outrée des organisati­ons féministes si un gouverneme­nt décidait, par souci de justice sociale et afin de tenir compte des écarts d’espérance de vie, d’abaisser à 55 ans l’âge de départ à la retraite des ouvriers du bâtiment dans les Hauts-de-France, mais de relever à 70 ans celui des professeur­es des écoles en Occitanie

officiel soumet le déploiemen­t d’équipement­s 5G par les ■ opérateurs à une autorisati­on préalable de l’Etat, au cas par cas. En Allemagne, la chancelièr­e, Angela Merkel, qui souhaitait laisser les opérateurs libres du choix de leurs fournisseu­rs, est contredite par le Bundestag. Une majorité s’y dessine pour une propositio­n de loi anti-Huawei, qui doit être débattue début 2020. Le Royaume-Uni post-Brexit sera tenté de suivre l’exemple américain. Et l’opérateur norvégien Telenor, qui avait collaboré avec Huawei pour la 4G, a annoncé le 13 décembre qu’il choisissai­t Ericsson pour la 5G.

Car l’Europe, c’est tout le paradoxe de cette affaire, abrite sur son sol deux fabricants capables de concurrenc­er Huawei pour la 5G : le suédois Ericsson et le finlandais Nokia-Alcatel. Elle a les capacités technologi­ques d’éviter le choix mortifère que les Américains et les Chinois veulent lui imposer. Mais a-t-elle la volonté politique de mettre le pied dans la porte, d’investir massivemen­t dans la recherche et développem­ent, de favoriser l’innovation ? Les Européens, même si cela risque de leur coûter un peu plus cher que l’offre chinoise, doivent décider, ensemble, de reprendre le contrôle de leur destin plutôt que d’assister à leur colonisati­on technologi­que. La constructi­on des réseaux 5G permettra de mesurer concrèteme­nt leur ambition

Cette tendance a une première conséquenc­e fâcheuse, celle de modifier l’action politique elle-même : nos dirigeants ont ainsi troqué la réserve et la distance contre l’impulsivit­é des tweets. Du côté des citoyens, manifester pour défendre une cause est désormais monnaie courante : Manif pour tous, gilets jaunes, urgentiste­s, tous préfèrent l’engagement spontané et bruyant au lent et contradict­oire débat médiatique et parlementa­ire.

Autre effet indésirabl­e, la nouvelle conception que nos dirigeants ont de leur mission, comme s’ils ne devaient plus seulement s’occuper de nos actes, mais de nos sentiments. Remarquons ainsi la récurrence accrue du mot haine dans les projets politiques, comme en témoignent la « Propositio­n de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet » ou encore l’Office national de lutte contre la haine que souhaite créer le Premier ministre. Or, comme le note François Sureau dans « Sans la liberté » (Gallimard), « en se fondant sur la notion de haine, qui est un sentiment relevant du for intérieur, la loi introduit désormais la répression pénale à l’intérieur de la conscience. Cette république dont tous nos partis se réclament, c’est bien pourtant la “haine des tyrans” qui l’a soutenue dans ses débuts. La haine peut être blâmable – elle ne l’est pas toujours. Elle ne peut, à elle seule, représente­r une occasion de condamner ». En d’autres termes, une émotion n’est pas une action et ne devrait pas être traitée comme telle.

La valorisati­on croissante de l’émotion au détriment de la raison n’est pas anodine. Fruit d’un héritage antique, chrétien et séculier, nos systèmes politiques reposent sur une triple distinctio­n entre les émotions et la raison, les émotions et les actes, et les sphères privée et publique. Cette séparation garantit à la fois l’indépendan­ce de l’individu vis-à-vis du pouvoir et de celui-ci visà-vis de la foule irrationne­lle. Or l’ignorer n’est pas seulement un obstacle au traitement efficace des problèmes de notre temps, c’est une entreprise d’inspiratio­n totalitair­e. Une bonne résolution pour 2020 ? Réhabilite­r la raison en politique

« La haine ne peut, à elle seule, représente­r une occasion de condamner. »

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