Le Point

Les derniers secrets de la tapisserie de Bayeux

- CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

ABayeux, en ce moment, on parle beaucoup de «Game of Thrones». Normal: à l’hôtel du Doyen*, on peut voir, sur 80 mètres, une tapisserie racontant les huit saisons de la série, avec ses dragons à la flamme facile, ses noces sanglantes ou ses « Marcheurs blancs » tissés de fil bleu. Une idée futée de l’organisme Tourism Ireland pour faire la promotion de l’île, où nombre de scènes de la saga ont été tournées. Ironie de l’histoire, ou hégémonie de la pop culture, un simple panneau en fin d’expo indique que, à 500 mètres de là, « un autre jeu de trônes est à découvrir ». Quoi? La vraie, l’inspiratri­ce, « LA » tapisserie de Bayeux, ravalée au rang d’« autre jeu de trônes »! Mais si c’était, au fond, le plus beau des compliment­s qu’on puisse lui faire ? Un livre, ou plutôt un prodige éditorial en deux tomes sous coffret, aussi esthétique­ment spectacula­ire qu’intellectu­ellement stimulant, vient prouver que l’aventure que raconte ce chef d’oeuvre (la conquête de l’Angleterre, au XIe siècle, par Guillaume, duc de Normandie, mais aussi ses expédition­s en Bretagne et au Mont-Saint-Michel) n’a rien à envier à l’épopée du trône de fer.

Un mystérieux nain. Le premier tome, conçu comme un leporello, reproduit la tapisserie à l’échelle 1:2, soit une fresque de 32 mètres, dépliable de la première à la dernière scène. Le second tome abrite, lui, l’essentiel des connaissan­ces actuelles sur la broderie (car elle n’est pas, en fait, une tapisserie), grâce au talent des historiens Xavier Barral i Altet et David Bates, deux flèches aussi affûtées que celle qui perça l’oeil du félon Harold. Un félon ? Peut-être pas... Et ce n’est pas le moindre des mérites de cette superbe somme que de lever le voile sur les énigmes véhiculées par la « Telle du Conquest », qui faillit être transformé­e en bâche de chariot sous la Révolution, ou volée en 1944 par les nazis qui rêvaient eux aussi d’envahir l’Angleterre. Chacune des scènes (où apparaisse­nt la comète de Halley, la main de Dieu et d’étranges scènes érotiques) est décodée dans ses moindres détails. On y découvre aussi l’influence qu’ont eue sur elle « L’Enéide » de Virgile et d’autres textes de l’Antiquité, et des informatio­ns précieuses sur le mystérieux nain de la scène 10, nommé Turold. Oui, presque comme Tyrion, le nain de « Game of Thrones »… Un hasard ?

La tapisserie « Game of Thrones » est visible jusqu’au 31 décembre. La tapisserie « historique » est toujours exposée dans l’ancien grand séminaire, au musée de La Tapisserie de Bayeux, www.bayeuxmuse­um.com.

 ??  ?? Monument. « La tapisserie de Bayeux », 2 volumes sous coffret (Citadelles & Mazenod, 690 €). Tome 1 : 107 volets dépliants ; tome 2 : 256 p. et 130 illustrati­ons couleur.
Monument. « La tapisserie de Bayeux », 2 volumes sous coffret (Citadelles & Mazenod, 690 €). Tome 1 : 107 volets dépliants ; tome 2 : 256 p. et 130 illustrati­ons couleur.
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