Le Point

Quand Gandalf rencontre The Queen

Dans « L’art du mensonge », friandise cinématogr­aphique du début de 2020, Ian McKellen et Helen Mirren jouent à qui arnaquera qui. Le Point a réuni ces deux géants. Une leçon de cinéma.

- PAR FLORENCE COLOMBANI

«On dirait une petite comédie romantique sur des gens du troisième âge qui se rencontren­t sur Internet. Mais le film vous embarque soudain dans une tout autre direction », lance-t-elle, une tasse de thé à la main. « Attention à ne rien dévoiler, la reprend-il. La seule chose que l’on peut dire, c’est que le scénario est adapté d’un roman de Nicholas Searle. Sauf que Nicholas Searle n’existe pas ! C’est un pseudonyme. L’auteur était dans les services secrets… Comme John le Carré ! » Ils se connaissen­t depuis toujours, et pourtant ils n’avaient jamais tourné ensemble. « Bizarre, alors qu’on partage tant de choses… le goût des hommes, par exemple ! » plaisante-t-il. Lui, c’est Ian McKellen, le sorcier Gandalf du « Seigneur des anneaux », 80 ans, qui révéla son homosexual­ité en 1988 lors d’un entretien radiophoni­que, devenant ainsi l’une des premières stars britanniqu­es à faire son coming out. Elle, c’est Helen Mirren, 74 ans, la queen de « The Queen ». A eux deux, ils totalisent une demi-douzaine de nomination­s aux Oscars, une dizaine de Bafta et d’innombrabl­es interpréta­tions des plus grands rôles shakespear­iens. Or voici que le palpitant « Art du mensonge » (sortie le 1er janvier 2020), dans lequel un arnaqueur profession­nel (lui) rencontre une charmante veuve plus fortunée et moins oie blanche qu’elle n’en a l’air (elle), fait son miel de leur évidente complicité. C’est un savant jeu de dupes, une parfaite gourmandis­e de début d’année avec des chausse-trapes et un duo de comédiens au sommet !

L’art du mensonge ? Le lecteur est prévenu : il sera bien question de dissimulat­ion, de fausses identités et de menteurs virtuoses. Une partition qu’ils ont prise très au sérieux. « Les gens pensent que c’est facile de jouer un menteur quand on est acteur, explique Ian McKellen, mais jouer et mentir sont deux activités fondamenta­lement différente­s. Un acteur n’est pas plus menteur qu’un enfant qui joue. »

« Vérité ». « Ce que nous cherchons, comme acteurs, c’est au contraire une vérité, complète Helen Mirren. Quand j’ai fait “The Queen”, tout était dans la démarche. Une fois que j’ai trouvé la bonne démarche, celle d’Elisabeth II, tout s’est mis en place. J’y suis parvenue grâce à un petit bout de film d’archive où elle assiste à une course de chevaux avec sa soeur, la princesse Margaret, et son cheval gagne. Elle est aussi enthousias­te qu’une petite fille et s’élance pour aller féliciter le jockey. A ce moment-là, on voit une particular­ité dans sa démarche. » Sans s’encombrer de révérence envers la souveraine, qui l’a anobli en 1979, sir Ian McKellen l’interrompt : « Elle se dandine ? » « Non, répond la comédienne, ce n’est pas un dandinemen­t, plutôt la démarche d’une femme de la campagne. Si elle avait pu, elle aurait passé sa vie dans les champs, en pantalon et en bottes, avec un chapeau de pluie. C’est ce qui l’aurait rendue heureuse. Cette démarche m’a donné la clé de sa tragédie : elle vit dans un

« Quand j’ai fait “The Queen”, tout était dans la démarche. Celle d’une femme de la campagne. » Helen Mirren

« Les gens pensent que c’est facile de jouer un menteur quand on est acteur. » Ian McKellen

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Ian McKellen et Helen Mirren, dans « L’art du mensonge », de Bill Condon.
Duettistes. Ian McKellen et Helen Mirren, dans « L’art du mensonge », de Bill Condon.

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