Vi Ranci ? Une tradition !
Remis à l’honneur par les jeunes vignerons, le rancio sec séduit curieux et chefs étoilés.
Nez très typé, original, touche épicée rappelant le curry, note un peu camphrée et arômes de fruits secs, dont le fameux parfum de noix, le Vi Ranci 1965, du domaine Danjou-Banessy, s’ouvre petit à petit au fond du verre. « Il faut le laisser venir, c’est un vin rare, on en produit très peu, explique avec émotion Benoît Danjou, vigneron, avec son frère Sébastien, à la tête du domaine familial. S’il nous reste des millésimes aussi anciens, c’est parce que notre arrière-grand-père en faisait déjà. Dans la région, le rancio sec, c’est une tradition.» Autrefois, toutes les familles de vignerons catalans possédaient, au fond de la cave, une barrique de vin à base de grenache, cépage riche en sucre, dont sont issus les vins doux naturels comme le banyuls, mais capable, après une longue fermentation, de donner un vin parfaitement sec, titrant entre 16 et 18 degrés. Abandonné dans son tonneau, au contact de l’air, il finissait par s’oxyder et, à l’automne, le vigneron refaisait le niveau avec le vin de la dernière vendange pour compenser la consommation de l’année écoulée et l’évaporation. L’usage était d’en servir un verre à la fin des repas de fête, de s’en désaltérer allongé d’eau et de l’utiliser pour cuisiner. «Les gens ont fini par oublier d’en boire…» évoque Benoît. Le développement des apéritifs de marque et la mode des blancs fruités ont relégué au rayon des souvenirs le tonneau perpétuel des aïeuls. Mais, au milieu des années 2000, Slow Food, association internationale qui travaille à la mise en valeur des produits d’origine, intègre le rancio sec dans son programme de sauvegarde des spécialités menacées de disparition. « On a alors pris conscience qu’il faisait partie de notre culture », raconte Lionel Comelade, vigneron à Estagel. Un cahier des charges en réglemente aujourd’hui la production et le rancio sec fait désormais officiellement partie de la famille des vins secs de type oxydatif comme le fino de Xérès (Espagne) ou le vin jaune du Jura. Lionel poursuit : «La tradition, c’est de le boire en accompagnement d’anchois de Collioure, de jambon, de fromage, ou sur les préparations à base de poisson. Même avec le chocolat, il s’accorde très bien. La reconnaissance passe par les chefs et les sommeliers, le rancio sec mérite d’entrer dans la catégorie des vins de gastronomie. »
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