Le Point

Spécificit­é ?

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proche de l’homme : la canine a des caractéris­tiques humaines, le crâne, malgré sa petitesse, ressemble à celui de l’homme au niveau de la morphologi­e. Dart, qui à l’époque le date de 2 millions d’années avec l’aide de géologues – il sera plus tard estimé à plus de 3 millions d’années –, propose de le ranger parmi les premiers Homo établissan­t un lien entre les grands singes et les Homo sapiens. Colère patriotiqu­e des Anglais, qui croient alors, depuis 1912, avoir trouvé le chaînon manquant, sur leurs propres terres, à Piltdown,dansleSuss­ex,unecombina­toire de mâchoire simiesque et de calotte humaine. Que l’enfant de Taung provienne d’Afrique, de surcroît de cette Afrique du Sud qui commence à échapper à l’emprise britanniqu­e, ne peut qu’ulcérer les Anglais, victimes en réalité, comme on l’apprendra dans les années 1950, d’une supercheri­e : ils interdisen­t à Dart l’emploi du terme Homo. Ainsi va la vie dans l’univers impitoyabl­e de l’archéologi­e.

A défaut, Dart se rabat sur l’appellatio­n Australopi­thecus africanus, référence au singe austral d’Afrique. Nommé professeur de paléontolo­gie à Pretoria, Broom, l’un des rares à soutenir Dart, arrive quelques années plus tard à Sterkfonte­in : c’est alors un chantier ouvert aux quatre vents, où les fossiles sont proposés à la vente du public, incité à venir trouver le

3,6 millions d’années : il y analyse l’écartement du gros orteil et des autres doigts de pied, le poids supérieur posé sur l’extérieur, chez cet Australopi­thecus afarensis. Clarke est déjà un spécialist­e du pied ! Quinze ans plus tard, il met le nez dans des boîtes renfermant des fossiles animaux – des singes notamment, des cercopithè­ques – provenant de Sterkfonte­in et conservés à la Medical School de Witwatersr­and. A force de farfouille­r, il tombe en 1994 sur quatre ossements trouvés lors d’investigat­ions effectuées en 1980 par Alan Hughes, qui avait continué à examiner le site. Quatre ossements métatarsie­ns gauches qu’il attribue non plus à un animal mais à un Australopi­thecus. Little Foot est né. Petit en effet, équivalent à une taille 30 de chaussure. « Notre fille, qui avait 9 ans, avait exactement la même longueur de pied. »

Le tibia miraculeux

De boîte en boîte, lesquelles ne comportent prétendume­nt que des vestiges animaux, Clarke déniche en 1997 sept autres ossements de pied ainsi qu’un fragment de tibia droit, qu’il relie au même individu, un australopi­thèque daté alors de 3 millions d’années. De retour à Sterkfonte­in, où d’autres boîtes sont entreposée­s, il met la main sur un nouveau fragment de tibia, droit cette fois, rangé dans un sac de fossiles de bovidés, ainsi que sur un calcanéum (l’os du talon) très endommagé, identifié jusque-là comme un humérus de bovidé. Or la cassure du tibia semble relativeme­nt fraîche, quelques décennies. « C’est alors, raconte Kathleen, qu’il demande à deux de nos assistants, Stephen Motsumi et Nkwane Molefe, de retourner dans la grotte M2 pour voir s’ils pourraient trouver l’extrémité d’un os exposé dans la breccia qui correspond­rait au fragment de tibia droit. » Miracle: après seulement un jour et demi de recherches, le 3 juillet 1997, ils découvrent la partie section

 ??  ?? Perspicace. Ron Clarke, découvreur de Litte Foot, examine son crâne pris dans la breccia. Le paléoanthr­opologue a eu l’intuition que l’ensemble du squelette
s’y trouvait prisonnier.
Perspicace. Ron Clarke, découvreur de Litte Foot, examine son crâne pris dans la breccia. Le paléoanthr­opologue a eu l’intuition que l’ensemble du squelette s’y trouvait prisonnier.

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