Le Point

Francesco d’Errico Université de Bordeaux, CNRS

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

une matière des lignes aperçues autour d’eux, dans l’environnem­ent, et enregistré­es par le cortex primaire, prédétermi­né chez l’homme à différenci­er des éléments rectiligne­s. Pour tester cette interpréta­tion, nous avons établi une collaborat­ion avec des chercheurs en neuro-imagerie cognitive du Neurocampu­s de Bordeaux. Nos résultats montrent que les plus anciens motifs abstraits préhistori­ques, y compris ceux de Blombos, sont analysés par les mêmes zones du cerveau que celles qui reconnaiss­ent les objets. Ils activent également une région de l’hémisphère­gauchebien­connuedans­letraiteme­nt du langage écrit. Cela renforce l’hypothèse que nos ancêtres ont très tôt attribué une significat­ion à leurs tracés, peut-être même symbolique.

Cela suffit-il à leur attribuer une significat­ion symbolique?

L’hypothèse que nous proposons est que ces population­s pouvaient les utiliser comme des signes. Quelle était la significat­ion associée ? Nous l’ignorons. D’ailleurs, ce que nous considéron­s comme abstrait n’était peut-être pas abstrait pour eux.

Est-ce caricature­r que d’affirmer qu’on assiste à Blombos à l’avènement d’un «Homo» dessinateu­r?

Il ne s’agit que d’un élément d’un puzzle à l’intérieur d’un processus complexe qui voit des innovation­s culturelle­s se développer dans certaines zones d’Afrique et non dans d’autres

origines religieuse­s d’autant plus urgente que sortaient de terre les restes de nos ancêtres présumés : à partir de quel chaînon de la chaîne reliant le singe à l’homme l’idée de Dieu est-elle apparue, et sous quelle forme? Les religions ont-elles obéi, elles aussi, à une sélection naturelle ? Associée à des arguments raciaux, portée par les stratégies de conquête religieuse et politique, la réponse n’était pas neutre, d’autant que, depuis des siècles, les monothéism­es nous avaient mis dans la tête que rien n’était plus abouti que le principe du Dieu unique, bien plus beau que tous les Zeus, Baal, Vishnou ou Krishna des panthéons polythéist­es. Certains, au XIXe siècle, étaient même convaincus que tout avait commencé par un monothéism­e original, submergé ensuite par la décadence païenne pour heureuseme­nt renaître plus tard en majesté. Que penser ? La science soulève autant de questions qu’elle apporte de réponses, surtout pour la période de la préhistoir­e, véritable trou noir de la connaissan­ce religieuse.

La naissance du sacré

Première question, redoutable : quand apparaît la notion de « sacré », ce domaine inviolable qui ne peut que susciter le respect le plus absolu ? Et comment évaluer ce qui est immatériel par essence ? La pauvreté des vestiges, et surtout la capacité très faible que nous avons de comprendre le monde psychique de Cro-Magnon ou de Neandertal, rend l’exercice risqué. Il semble acquis aujourd’hui que l’on a trop fantasmé sur la magie qu’aurait utilisée le premier pour réussir ses chasses et que le culte de l’ours prétendume­nt pratiqué par le second est une chimère. Une

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Vénus. Statuette en calcaire du paléolithi­que supérieur, dite la Vénus de Willendorf, découverte en 1908 en Autriche. Sa fonction ? L’hypothèse de la représenta­tion d’une déesse-mère ou de la fécondité est aujourd’hui abandonnée. Gardienne de la lignée ? Mystère.

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