L’Autriche, nouveau laboratoire de la droite
Le premier gouvernement écoconservateur de l’Histoire envoie un signal à toute l’Europe.
E n installant mardi 7 janvier, pour la première fois en Europe, un gouvernement alliant la droite traditionnelle et les écologistes, l’Autriche renoue avec son rôle de laboratoire politique européen.
Les conservateurs autrichiens avaient déjà innové, au tournant du siècle, en formant une coalition avec les nationauxpopulistes qui avait choqué bien au delà des Alpes. Ils ont récidivé en 2017, sous la houlette du sémillant Sebastian Kurz, qui n’a pas hésité à reprendre à son compte une partie des thèses identitaires de ses alliés. Mais ils ont tourné casaque l’an dernier, à la suite d’un scandale de corruption qui a frappé l’extrême droite.
Après les élections anticipées qui se sont tenues à l’automne, Kurz a choisi de s’allier avec les Grünen. Le grand écart ainsi effectué en l’espace de deux ans est phénoménal. Préfigure-t-il une évolution historique de la droite européenne à l’heure où la crise climatique dynamise la popularité des Verts ? Le premier gouvernement écoconservateur de l’Histoire est scruté avec attention, en particulier en Allemagne, dans la perspective de l’après-Merkel.
En cherchant à concilier régulation de la migration et transition écologique, conservateurs et Verts s’unissent sur les deux fronts de la guerre culturelle qui agite l’Europe du XXIe siècle. Le nouveau gouvernement autrichien, selon la formule du chancelier Kurz, entend prouver « qu’on peut en même temps protéger les frontières et le climat ». Cette union inédite est d’abord un mariage de raison. L’enjeu en est, pour les conservateurs, la marginalisation des populistes, et, pour les écologistes, la captation de l’héritage d’une social-démocratie autrichienne en plein déclin.
Pour prouver sa compatibilité avec les Verts, la droite peut s’appuyer sur une tradition philosophique incarnée aujourd’hui par le penseur britannique Roger Scruton (1), qui s’affiche écologisteparcequeconservateur.Selonlui,l’ordresocialtraditionnel, l’église paroissiale et la chasse au renard méritent autant ■
L’Autriche entend parvenir à la neutralité carbone en 2040, dix ans avant le reste de l’UE.