Au coeur de la Ghosn Connection
Réseaux, amitiés, famille… Comment l’ancien PDG de Renault-Nissan organise sa nouvelle vie au Liban.
Un téléphone portable sonne en pleine nuit dans un appartement de Rio de Janeiro. Il est 3 heures, ce lundi 30 décembre, et Sylvia Ghosn évolue dans une phase de sommeil profond. Réveillée en sursaut par l’insistante sonnerie, elle ne parvient pas, malgré ses efforts cotonneux, à décrocher à temps. Trop tard. L’auteur de l’appel a raccroché sans laisser de message. Elle ne reconnaît pas le numéro affiché sur l’écran. Ce correspondant lui est inconnu. Malgré son inquiétude, elle se rendort et ne comprendra que quelques heures plus tard que Carlos, son frère aîné, a tenté de lui annoncer la grande nouvelle luimême, en exclusivité.
L’ex-PDG de Renault-Nissan, poursuivi par la justice japonaise pour plusieurs graves chefs d’accusation, pour lesquels il encourt jusqu’à quinze ans de prison, a quitté le Japon. Comme dans le meilleur des James Bond, il a réussi à déjouer la surveillance des policiers, puis a joué les filles de l’air. Pfut… Carlos Ghosn vient de poser un pied sur le sol libanais, il est rentré chez lui, et il se porte à merveille. Il sait son extradition impossible. Il est libre. L’homme âgé de 65 ans redoutait que sa soeur Sylvia ne l’apprenne, abasourdie, à la radio ou à la télé, comme le reste du monde.
Sylvia Ghosn a quitté son frère quelques jours plus tôt. À savoir: depuis le mois d’avril 2019, depuis que Carlos Ghosn est assigné à résidence dans le quartier de Minato, à Tokyo, depuis que tout contact avec son épouse Carole lui est interdit, ses trois soeurs et ses trois filles se relaient à son chevet. Carlos Ghosn ne reste jamais bien longtemps seul. Sylvia a pris son « quart » pendant les fêtes de Noël à Tokyo et a passé le plus clair de son temps derrière les fourneaux. Fine cuisinière, elle lui a concocté tout le répertoire de la gastronomie libanaise, du houmous au taboulé, sans oublier le fatteh, délicieux plat à base d’aubergine, de pita et de yaourt. Sylvia Ghosn est repartie heureuse vers le Brésil – où vivent également leur mère, Rose, et leur soeur aînée, Claudine –, car Carlos a un peu grossi et… cela ne peut pas faire de mal.
Nayla Ghosn, épouse Beydoun, la petite dernière (qui réside à Boston), est, elle, attendue incessamment au Japon, pour un séjour qui couvre la première quinzaine de janvier. Nayla n’ira pas au Japon. Elle s’envolera pour le Liban. Plus précisément pour Beyrouth, cité bordélique et déglinguée, mais pleine de vie et de charme méditerranéen. Encore plus précisément, dans une belle maison patricienne d’Achrafieh, quartier chrétien de Beyrouth-Est, qui a tant fait couler d’encre. Elle appartient à Nissan, mais l’ancien PDG en a gardé, pour l’instant, la jouissance. Si Carlos Ghosn a choisi le Proche-Orient comme refuge, cela n’est pas l’effet d’un quelconque hasard. L’homme a trois passeports (français,
■
A ce stade, son histoire résonne étrangement avec celle de son père, Georges Ghosn, condamné à mort au Liban, puis réfugié au Brésil.