Cinéma - « 1917 », pari sous les bombes
Sam Mendes, le réalisateur de Skyfall, reconstitue l’offensive des Flandres en plan-séquence. Un défi fou, couronné par deux Golden Globes.
Il pensait avoir livré ses plus grosses batailles avec les dantesques tournages de Skyfall (2012) et 007 Spectre (2015). Jusqu’à ce que, un jour, Sam Mendes décide de réaliser 1917. Un film de guerre virtuose, à ranger aux côtés des Sentiers de la gloire, Apocalypse Now ou Il faut sauver le soldat Ryan, dans l’ambition partagée de catapulter le spectateur en plein coeur du fracas des armes. Mais aussi un pari technique fou, jamais vu dans le genre : filmer tout le récit en deux grands plans-séquences (séparés en plein milieu de l’histoire par un fondu au noir), pour immerger davantage encore le public dans l’aventure. Le scénario, lui, va droit au but : le 6 avril 1917, dans le nord-est de la France, deux jeunes soldats britanniques doivent délivrer un message capital à un bataillon de 1 600 hommes qui prépare un assaut imminent contre les troupes allemandes, retranchées derrière la ligne Hindenburg. L’attaque, dont l’ennemi a eu vent et qu’il s’apprête à balayer, risque de tourner à la boucherie si les deux valeureux ne préviennent pas à temps leurs camarades pour tout stopper.
Seul maître à bord. Le mouvement perpétuel de la caméra n’est bien sûr qu’illusion : 1917 est en réalité constitué de plusieurs prises, assemblées par la magie d’un montage invisible à l’oeil nu. Un vrai casse-tête à gérer sur le terrain mais, au moins, ici, le réalisateur, aussi à l’aise dans les drames intimistes (American Beauty, Les Noces rebelles) que dans les superproductions, était seul maître à bord : « Après cinq ans passés dans la machine Bond et son immensité technique et géographique, j’avais besoin de revenir à une certaine pureté cinématographique, à une unicité de temps, de lieu et de caméra, nous explique, à Paris, Sam Mendes. Je ne voulais plus devoir rendre des comptes, demander la permission, me sentir coupable de réécrire un dialogue… Cette histoire, c’était la mienne, et je voulais pouvoir la traiter comme bon me semble. »
Son histoire. Ou plutôt celle de son grand-père, Alfred Mendes, qui a, en partie, inspiré le film. Il avait 19 ans lorsque, en 1917, membre d’un régiment d’infanterie britannique posté dans les Flandres, il traversait les lignes ennemies pour transmettre en toute hâte des lettres importantes d’un camp à l’autre. Des expéditions téméraires que ses supérieurs lui confiaient en raison de sa petite taille, qui lui permettait de se faufiler dans la brume matinale. L’une de ces missions eut lieu le 12 octobre 1917, juste après la meurtrière bataille de Poelcappelle : Alfred Mendes fut
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