Gastronomie : le bon goût du « popu-chic »
Le menu de 2020 ? Pâté en croûte, steak tartare et crème caramel façon Paris des années 1920.
C’est un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. L’épure des purs, cet éloge de la simplicité qui a traversé les Trente Glorieuses pour s’évanouir brusquement à la fin des années 1980. À l’heure où les foodistas zappent une table à la mode pour une autre, Elodie et Jean-François Piège inaugurent, le 16 janvier, leur cinquième adresse à Paris après Le Grand Restaurant, Clover Green, Clover Grill et La Poule au pot. Le couple fait refleurir À l’Epi d’or, institution des Halles fondée en 1880, où les courtiers en blé aimaient déjeuner après avoir écoulé les récoltes.
Tous les ingrédients de la nostalgie sont rassemblés au coeur de ce bistrot du 1er arrondissement. On déguste d’abord le décor, entre épis, coquelicots et natures mortes ornant les murs habillés d’assiettes anciennes et d’appliques aux gerbes dorées. Ardoise menu suspendue, mosaïques de carrelages multicolores en cassons au sol, banquettes en cuir, lampes en pâte de verre et miroirs encadrés de bois complètent cet intérieur suranné, s’ordonnant autour d’un bar en zinc et ronce de noyer. Autre fil de mémoire, la place des femmes dans ce lieu de 40 couverts. Avec sa brigade menée par Mariola Cid Corral et l’équipe en salle dirigée par Margot Philippe-Robert, À l’Epi d’or perpétue la tradition des patronnes, de Pascaline Pelletier, dernière propriétaire des lieux, aux bistrotières des années 1920 qui, chaque soir, cuisinaient les produits que leur apportaient les travailleurs des Halles.
« C’est notre lieu le plus intime », clament les Piège. Celui d’une cuisine portée par l’originel et non l’original, qui renaît ici à prix accessible – à peine 40 euros pour entrée, plat, dessert – avec une carte courte, un semainier et des classiques emblématiques : pâté en croûte, croque-madame, steak tartare, steak à cheval, ravioles aux épinards, saucisse de Toulouse, hachis parmentier, agneau à la cuillère, tarte crème caramel au beurre demi-sel… Des essentiels qui ont le vent en poupe et une tendance « populaire chic » incarnée aussi dans le retour des « bouillons ».
Vite et pas cher. Bouillon Racine, Bouillon Chartier, Bouillon Chartier Montparnasse, Petit Bouillon Pharamond ou Bouillon Pigalle… Inventés en 1860 par le boucher Pierre-Louis Duval, ces établissements qui proposaient un menu unique constitué de bas morceaux de viande bouillie accompagnés d’un bol de bouillon sont en ébullition dans la capitale. Une renaissance jouant sur le registre du Paris d’antan et des adresses servant parfois plus d’un millier de couverts par jour. On y mange vite, parfois bien et toujours pour pas cher oeuf mayonnaise, soupe à l’oignon, blanquette de veau, île flottante. On pourrait presque y croiser Bernard Blier ou Lino Ventura, réclamant, comme dans Les Barbouzes, une petite paupiette avec son civet et son plat-de-côtes, avant le fromage, la tartelette aux fruits et une petite crème caramel…
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À l’Epi d’or, 25, rue Jean-Jacques-Rousseau, Paris Ier. 01.42.36.38.12.
À l’Epi d’or perpétue la tradition des bistrotières qui, chaque soir, cuisinaient les produits que leur apportaient les travailleurs des Halles.