Populistes d’Amérique latine, unissez-vous !
Lazaro Tacoo, porte-parole du président du peuple chiquitano. La Constitution prévoit qu’en cas de mégaprojet en territoire indigène, on doit être consultés. On a marché, à 34 peuples, jusqu’à La Paz. Ils nous ont réprimés. Ensuite, Evo a installé 1400 communautés de paysans chez nous, qui sommes 700. Ils ne savent pas brûler, en ménageant des couloirs, quand le vent est faible. Résultat, 3 millions d’hectares ont brûlé. » Ces paysans devaient produire de la viande pour la Chine. Il montre son drapeau, avec la fleur de patuju : « Evo a refusé de le reconnaître. Jeanine Añez nous a demandé de l’apporter. Alors, qui est le raciste ? » Mais la légende du président indigène est indestructible. Naviguer dans ses tweets (son identifiant est @evoespueblo, « Evo est le peuple ») montre ses soutiens : Paulo Coelho, Bernie Sanders, Roger Waters, en plus des attendus Dilma Rousseff, Pablo Iglesias ou Alexis Tsipras. « C’est très difficile de contrer cette narration. Quand j’ai dit à Jimmy Carter ce que faisait Ortega, il ne m’a pas parlé pendant deux jours », relate Aparicio. Aujourd’hui, « l’histoire est celle d’une droite putschiste fondamentaliste et fasciste, sans mention de la fraude électorale, version reprise par les universitaires aux États-Unis et au Mexique », regrette Gamarra.
La perte de la Bolivie est, pour Cuba, une catastrophe en termes d’image. Certains leaders ont toujours été pragmatiques. Lula est devenu ami avec George Bush, pour lancer la « diplomatie de l’éthanol ». Evo, quand il a nationalisé le gaz en Bolivie, a saisi une usine de Petrobras, dépouillant son allié Lula. Rien d’étonnant que, échaudés par la mauvaise presse liée à Maduro et à Ortega, certains aient monté une nouvelle alliance. Le Groupe de Puebla, au Mexique, naît le 12 juillet 2019, en réaction au Groupe de Lima. Parmi les 32 membres, aucun de Cuba, du Nicaragua ou du Venezuela. On y trouve en revanche Evo Morales, Dilma, Lula et Alberto Fernandez. Mais, alors que ce dernier avait invité Evo à son investiture à Buenos Aires, le 10 décembre (et pas Jeanine Añez, qu’il ne reconnaît pas), celui-ci est arrivé deux jours plus tard. Il avait fait un crochet par Cuba pour raisons médicales, plutôt pour « prendre ses instructions politiques », selon Gamarra. L’hôte était devenu encombrant pour Amlo, qui voulait éviter que les cartels mexicains ne soient inscrits sur la liste des groupes terroristes des États-Unis. Maduro, lui, avait mandaté son ministre de la Communication, Jorge Rodriguez, visé par les sanctions américaines. Cela a suffi pour que Mauricio Claver-Carone, envoyé spécial de Washington, parte avant la cérémonie. « Nous voulons savoir si Alberto Fernandez va défendre les démocraties de la région ou faire l’apologie des dictatures », a-t-il déclaré. L’Argentine, à deux doigts du défaut de paiement, a demandé une trêve au FMI avant de payer sa dette et ne peut fâcher les États-Unis. Fernandez a d’ailleurs envoyé dare-dare son secrétaire à l’Énergie, Sergio Lanziani, et Guillermo Nielsen, qui avait négocié les accords avec le FMI en 2003, à Washington pour une conférence sur les investissements énergétiques de la Maison-Blanche. On a beau lutter contre l’« Empire », il faut bien vivre
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