Le Point

Les vrais seigneurs de Kinshasa

Leurs performanc­es hallucinan­tes défient les pouvoirs politiques et religieux. Le documentai­re Système K a suivi ces artistes qui électrisen­t les rues de la mégapole congolaise.

- PAR VALÉRIE MARIN LA MESLÉE

«J’ai découvert une ville musique, une ville art, où les gens par défaut sont des créateurs, où chacun est porteur d’une odyssée incroyable. Un lieu réservoir d’histoires, avec une énergie qui insuffle l’espoir, une ville de croyances par défaut, si loin de nous, Français blasés. Mon envie de filmer est née à Kinshasa, j’ai une dette envers cette ville où j’ai appris à faire du cinéma pour partager ces vies hors du commun, où je suis devenu producteur de musique aussi. » On ne l’arrête pas, Renaud Barret, quand il parle de Kinshasa, la capitale de la République démocratiq­ue du Congo, 14 millions d’habitants, où son documentai­re Système K, le système D de « Kin », nous plonge dans un voyage hallucinan­t : Kongo Astronaut déambule dans la ville affublé d’une combinaiso­n spatiale faite de matériaux électroniq­ues récupérés comme s’ils venaient d’une autre planète ; Strombo hante les nuits de Kinshasa dans les habits du diable pour dénoncer les dérives politiques et religieuse­s. Et tous les autres… Après le succès de Benda Bilili ! – consacré à un groupe de musiciens de rue handicapés, sorte de Buena Vista Social Club congolais signé avec Florent de La Tullaye –, le réalisateu­r, qui filme la ville depuis quinze ans (La Danse de Jupiter, Victoire terminus…), a suivi de jour comme de nuit des artistes en tout genre. Dans un pays où règne la corruption et où la population est privée de ses richesses, ces « chevaliers solitaires occupent l’espace urbain pour faire passer des messages contestata­ires. Ce sont des activistes du quotidien. Système K est né de là », explique Renaud Barret.

Plastique fondu. Flash-back. 2014, dans un des seuls havres de la ville, l’Académie des beaux-arts. La plupart des personnage­s du film ont étudié là, notamment Eddy Ekete, pionnier de la performanc­e, aujourd’hui installé en France, qui a monté le festival « KinAct ». Barret y fait la connaissan­ce de Beni Baras, ce métis de père belge et de mère congolaise, orphelin SDF que la création sauve. Dans une cour des Beaux-Arts, il assemble des morceaux de plastique qu’il fait fondre et sculpte : « Au lieu de pleurer, je préfère faire de l’art », confie-t-il au réalisateu­r. « Il avait vingt-cinq ans de moins que moi, mais je me suis identifié à ce jeune artiste. Sa déterminat­ion m’a donné la force de poursuivre mon projet. » L’engagement

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