Oser le rural chic au Rajasthan
Villages ancestraux, vestiges de palais merveilleux peuplés de légendes… Un rêve éveillé dans un décor à la Kipling.
Le soleil se lève sur le village de Gawa, éclairant le damier des champs où des saris multicolores s’affairent déjà. Sur la piste qu’on parcourt à vélo, des bergers à longue barbe blanche conduisent des troupeaux de vaches. Les brumes persistent, laissant savourer un paysage d’estampe, lustré par la mousson. Au fil des heures s’installe la certitude du miracle que constitue ce petit coin de paradis rural, sans touristes, bidonvilles ni chaos périurbain. Jaipur et ses millions de visiteurs ne sont pourtant qu’à 50 kilomètres. Mais la province la plus vaste du pays, presque aussi étendue que l’Allemagne et aussi peuplée que la France, réserve toujours de vastes territoires au désert et aux champs. Un mode de vie ancestral y perdure dans les villages où ne passent presque jamais de voitures, assurant au voyageur un périple passéiste digne de Rudyard Kipling.
Devant les maisons de torchis, la cour de terre bien ratissée libère les enfants apprêtés pour l’école, et toute une famille qui salue en souriant – mère et grand-mère en sari éclatant, père et grand-père coiffés d’un turban blanc. Nous sommes invités à entrer et à aplatir au rouleau les boules de pâte à pain. Une jeune femme, Anita, fait voler les galettes au-dessus du brasero – on l’imite. Très vite apparaissent sur une table un curry de légumes, du yaourt et du dahl. Le repas a une saveur inoubliable.
Au fil de ce périple dans la campagne, on trouve passionnantes les leçons du guide, qui apprend à distinguer le millet du sorgho, la feuille de tabac de celle de l’épinard. Les récoltes commencent, à l’ancienne et sans machines. Chargées de gerbes aussi hautes qu’elles, les femmes regagnent le village pieds nus.
Au bourg voisin de Jakhi, l’agitation règne dans la rue principale, jalonnée d’échoppes et de vaches en stationnement. Tout un monde d’artisans besogne, portes ouvertes, martelant l’étain des plats ou les strass des saris. Les rues adjacentes sont le royaume des sculpteurs de marbre. La poussière blanche vole, dévoilant des statues de Ganesh et de Vishnou qui rejoindront bientôt les temples voisins. Se succèdent des maisons abandonnées aux allures de palais moghols dont la peinture bleu pastel s’effrite. C’est là l’autre charme de la région, celui de la déliquescence. Le climat, si dur pour les hommes, grignote aussi leurs édifices. Cette loi de la nature prend tout son éclat à Bhangarh, sanctuaire de ruines fantomatiques dignes du Livre de la jungle. Des hordes de macaques cavalent, menés par des mâles athlétiques et menaçants. Une ancienne route pavée longe les maisons, dont seuls les murs subsistent. Dix mille personnes vivaient ici au temps des anciens souverains d’Agra, qui édifièrent la cité au XVIe siècle. Le soleil est haut quand les premiers touristes indiens arrivent de Delhi, posant en Ray-Ban
■