Le Point

Oser le rural chic au Rajasthan

Villages ancestraux, vestiges de palais merveilleu­x peuplés de légendes… Un rêve éveillé dans un décor à la Kipling.

- PAR NATHALIE CHAHINE

Le soleil se lève sur le village de Gawa, éclairant le damier des champs où des saris multicolor­es s’affairent déjà. Sur la piste qu’on parcourt à vélo, des bergers à longue barbe blanche conduisent des troupeaux de vaches. Les brumes persistent, laissant savourer un paysage d’estampe, lustré par la mousson. Au fil des heures s’installe la certitude du miracle que constitue ce petit coin de paradis rural, sans touristes, bidonville­s ni chaos périurbain. Jaipur et ses millions de visiteurs ne sont pourtant qu’à 50 kilomètres. Mais la province la plus vaste du pays, presque aussi étendue que l’Allemagne et aussi peuplée que la France, réserve toujours de vastes territoire­s au désert et aux champs. Un mode de vie ancestral y perdure dans les villages où ne passent presque jamais de voitures, assurant au voyageur un périple passéiste digne de Rudyard Kipling.

Devant les maisons de torchis, la cour de terre bien ratissée libère les enfants apprêtés pour l’école, et toute une famille qui salue en souriant – mère et grand-mère en sari éclatant, père et grand-père coiffés d’un turban blanc. Nous sommes invités à entrer et à aplatir au rouleau les boules de pâte à pain. Une jeune femme, Anita, fait voler les galettes au-dessus du brasero – on l’imite. Très vite apparaisse­nt sur une table un curry de légumes, du yaourt et du dahl. Le repas a une saveur inoubliabl­e.

Au fil de ce périple dans la campagne, on trouve passionnan­tes les leçons du guide, qui apprend à distinguer le millet du sorgho, la feuille de tabac de celle de l’épinard. Les récoltes commencent, à l’ancienne et sans machines. Chargées de gerbes aussi hautes qu’elles, les femmes regagnent le village pieds nus.

Au bourg voisin de Jakhi, l’agitation règne dans la rue principale, jalonnée d’échoppes et de vaches en stationnem­ent. Tout un monde d’artisans besogne, portes ouvertes, martelant l’étain des plats ou les strass des saris. Les rues adjacentes sont le royaume des sculpteurs de marbre. La poussière blanche vole, dévoilant des statues de Ganesh et de Vishnou qui rejoindron­t bientôt les temples voisins. Se succèdent des maisons abandonnée­s aux allures de palais moghols dont la peinture bleu pastel s’effrite. C’est là l’autre charme de la région, celui de la déliquesce­nce. Le climat, si dur pour les hommes, grignote aussi leurs édifices. Cette loi de la nature prend tout son éclat à Bhangarh, sanctuaire de ruines fantomatiq­ues dignes du Livre de la jungle. Des hordes de macaques cavalent, menés par des mâles athlétique­s et menaçants. Une ancienne route pavée longe les maisons, dont seuls les murs subsistent. Dix mille personnes vivaient ici au temps des anciens souverains d’Agra, qui édifièrent la cité au XVIe siècle. Le soleil est haut quand les premiers touristes indiens arrivent de Delhi, posant en Ray-Ban

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