Le Point

Europe Le casse-tête

- EMMANUEL BERRETTA

Une autre politique européenne est-elle possible ? La question n’a pas de sens dans la mesure où, en juin 2019, les 27 États membres se sont mis d’accord – et pour la première fois à l’unanimité – sur un programme stratégiqu­e 2019/2024. Le débat ne porte plus sur le « quoi ? » mais reste entier et vif sur le « comment ? » D’ici mars, le budget européen défini pour sept ans devra traduire ou non les hautes ambitions qu’Emmanuel Macron a affichées dès le début de son mandat et qui ont été largement reprises dans ce plan stratégiqu­e : un Pacte vert, qui prévoit la neutralité carbone à l’horizon 2050 ; un pacte européen sur les migrations ; une nouvelle gouvernanc­e sociale ; l’élaboratio­n d’une stratégie industriel­le et numérique…

« Dans la première phase, pendant deux ans, nous avons lancé des idées, décrit Amélie de Montchalin, secrétaire d’État à l’Europe. Mais il nous fallait absolument avoir une équipe pour les porter. C’est chose faite avec la Commission von der Leyen, qui a repris les grandes priorités de notre projet. Nous entrons dans la troisième phase : la constructi­on des majorités au Conseil et au Parlement européen pour les traduire dans le droit. » D’où le voyage programmé du président en Pologne dans les prochains jours ou encore la réconcilia­tion avec Viktor Orban lors d’un déjeuner en tête à tête, donc sans témoin, le 11 octobre 2019. « Rien n’a filtré mais on sait que le président français a fait visiter ses appartemen­ts privés au Premier ministre hongrois pour lui montrer le tableau d’un peintre hongrois qui y figure », glisse-t-on du côté de Budapest. « Nous nous réjouisson­s que le président français cherche à tisser des coalitions, souligne-t-on à Berlin. Mais il ne contourner­a pas l’Allemagne et ce n’est pas en une visite qu’il renouera la confiance avec les pays de l’Est, qui a été très fortement ébranlée par ses déclaratio­ns sur “l’état de mort cérébrale de l’Otan”. »

Comme à son habitude, Angela Merkel tient les comptes et s’inquiète du coût que représente le départ des Britanniqu­es. Surtout pour la contributi­on allemande au budget européen. Le départ du Royaume-Uni provoque mécaniquem­ent une surpondéra­tion des États ayant un fort PIB, qui est la base de calcul des contributi­ons étatiques.

« Avec un budget de l’Union limité à 1 % de la richesse européenne, la contributi­on de l’Allemagne passerait de 13 à 22 milliards d’euros par an. C’est presque 10 milliards de plus par an. En outre, de nombreuses régions de l’est de l’Allemagne, qui jusqu’ici percevaien­t des fonds de cohésion, n’y seront plus éligibles. Il faudra naturellem­ent apporter des correctifs à cette situation. » Pour Macron, pas question d’entendre parler de « rabais ». Berlin et Paris vont au choc frontal sur les questions financière­s. Le président français s’est beaucoup avancé sur l’augmentati­on du budget européen, la défense de la PAC.

« Pour nous, la clé de la négociatio­n financière réside dans l’instaurati­on de ressources propres », assène Amélie de Montchalin. Il est envisagé une taxe sur le plastique ou l’affectatio­n d’une partie d’une future taxe numérique… Pas une bonne idée pour Berlin, qui estime que lesdites taxes vont rapporter des « montants dérisoires et aléatoires » et leur mise en place exiger « beaucoup de bureaucrat­ie. » Entre Merkel et Macron, le compte est loin d’être bon

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