L’archipel perdu
Roman. 1971. Les habitants de l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien, sont évacués en quelques heures par l’armée anglaise, avec interdiction de revenir chez eux. Car, au moment de l’indépendance de l’île Maurice, en 1967, à la suite de tractations secrètes, les Chagos sont restées dans le giron britannique. Et la Couronne a décidé de faire de l’archipel une base militaire. S’ensuivront des années de misère, de colère et de lutte, jusque devant la Cour pénale internationale de La Haye, pour faire reconnaître que la décolonisation mauricienne ne s’est pas faite dans le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Que peut vraiment David face au Goliath qu’est un ex-empire colonial ? « Petite, ma mère me racontait une histoire, écrit la Franco-Mauricienne Caroline Laurent en postface. Celle d’un paradis perdu aux franges d’océan, broyé un jour par la gueule d’un monstre ». Elle en a fait un roman, défendant la cause des îliens dépossédés, accompagnant même la délégation chagossienne à La Haye. On lui devait déjà un premier roman ardent, Et soudain la liberté, coécrit avec Evelyne Pisier, l’histoire de cette dernière, notamment de ses amours avec Fidel Castro. Ici, c’est aussi par le biais d’une passion flamboyante que Caroline Laurent nous plonge dans le passé. Celle qui unit la va-nu-pieds Marie Ladouceur, chagossienne éclatante de vie, et Gabriel Neymorin, administrateur colonial issu de la bourgeoisie mauricienne. Au feu du désir succédera le temps du déchirement et de la violence, celle d’une injustice d’État qui les dépasse. Avec une grande foi dans les pouvoirs de la fiction, Caroline Laurent donne voix et force à une tragédie oubliée
Rivage de la colère, de Caroline Laurent
(Les Escales, 256 p., 19,90 €).