Le Point

Constance s’en va-t-en guerre

- PAR SOPHIE PUJAS

«Qu’est-ce que ça fait, de tout bazarder ? De laisser derrière soi la vie qu’on a toujours connue, une situation sociale, le confort matériel ? Voilà l’expérience quasi initiatiqu­e que Constance Debré a racontée en deux livres brûlants, radicaux, d’une poésie brutale: Play Boy (Stock, prix de La Coupole 2018), et Love Me Tender, qui vient de paraître aux éditions Flammarion. Car, à l’aube de la quarantain­e, cette avocate, petite-fille de l’homme d’État Michel Debré, a mis fin à ses vingt ans de mariage pour courir les filles, et abandonné le droit pour l’écriture. « Je suis le baron de Charlus option Sid Vicious. » Il ne s’agit nullement ici de témoignage, mais bien du roman, nourri d’autofictio­n, d’une écrivaine puissante.

Son ex-mari parvient à l’empêcher de voir son fils de 8 ans. Tractation­s judiciaire­s, rendez-vous entre mère et fils dans un centre social et devant témoins, visites annulées au dernier moment : l’enfer ordinaire d’un divorce qui tourne mal. S’ensuit une période de douleur absolue, mais aussi de conquête de soi-même. « Attendre que ça se calme, que l’univers s’habitue, cicatrise, se recompose. (…) je ne reprendrai pas ma peau d’avant », écrit la romancière. La dèche matérielle s’accompagne d’une frénésie de conquêtes – mais en fuyant à tout prix l’amour, cet autre visage de la possession. « J’aime le sexe comme j’aime regarder les gens dans la rue, comme j’aime les voir passer devant moi sans les connaître, pour ce mélange de très près et de très loin. » La langue est tendue à l’extrême. Avec une âpreté qui vise au plus juste, Constance Debré dézingue toute certitude rassurante. Surtout en matière de sentiments. « Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas rompre. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes, de l’amour. » Rangez les violons, sortez les armes

■ Love Me Tender, de Constance Debré (Flammarion, 192 p., 18 €).

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Radicale. En deux livres, Constance Debré a imposé sa voix singulière.

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