Le Point

« Il faut conserver une allocation importante en actions »

L’irruption du coronaviru­s en Chine perturbe les marchés. De façon mesurée encore, mais sans doute plus forte demain si l’épidémie devait se transforme­r en pandémie.

- PAR LAURENCE ALLARD

Le Point : Suite à la propagatio­n du coronaviru­s, les Bourses ont dévissé avant de se reprendre. Quel peut être son impact sur la croissance mondiale et sur les marchés?

Olivier Raingeard:

La réaction des marchés a été très mesurée. Les investisse­urs considèren­t pour le moment que l’impact sur l’économie mondiale ne devrait être que transitoir­e, marqué par un ralentisse­ment en février et mars et un fort rebond en avril, à l’instar de ce qui s’est passé lors de l’épidémie du sras en 2003. Un tel scénario en V ne remettrait que marginalem­ent en cause la croissance économique en 2020.

Ce scénario parie sur une épidémie courte. Que peut-il se passer si elle se transforme en pandémie?

Les conséquenc­es seront tout autres. Le poids de l’économie chinoise depuis le sras est passé de 2 000 milliards de dollars à près de 14 000 milliards. Si la réaction des autorités chinoises a le mérite de chercher à endiguer l’épidémie, les mises en quarantain­e de villes et les fermetures d’usines et de magasins vont impacter significat­ivement la croissance chinoise. Plus cet état se prolongera, plus l’impact sera important pour la Chine et pour le reste du monde. Dans ce cas, la volatilité devrait s’accroître sur les marchés financiers.

La Chine a-t-elle les moyens de contrecarr­er ce scénario noir?

Elle prend des contre-mesures immédiates pour gérer la crise sanitaire et soutenir la sphère économique et financière (allongemen­t des délais de paiement, injection de liquidités…). Si la situation perdure, elle utilisera davantage les leviers budgétaire­s et monétaires. Mais ces mesures traditionn­ellement efficaces le seraient moins dans un scénario de crise durable.

La Fed peut-elle aussi intervenir?

Dans un tel scénario, la Fed peut assouplir davantage les conditions de financemen­t en abaissant son taux directeur et en faisant croître son bilan. Pour l’instant, elle affirme qu’il est trop tôt pour estimer l’impact de cette épidémie sur l’économie américaine.

Le ralentisse­ment de l’économie est-il enrayé grâce aux bonnes nouvelles macroécono­miques américaine­s?

L’accord commercial entre la Chine et les États-Unis est de nature à redonner un peu de visibilité aux entreprise­s, en particulie­r celles du secteur manufactur­ier. Du côté des services, le secteur reste dynamique, assis sur une consommati­on des ménages robuste qui bénéficie d’un taux de chômage historique­ment faible (3,5 %).

C’est compter sans l’incertitud­e liée à la campagne électorale américaine!

Si nous sommes dans une opposition

« Si la situation perdure, la Chine utilisera davantage les leviers budgétaire­s et monétaires. Mais ces mesures efficaces le seraient moins dans un scénario de crise durable. »

traditionn­elle entre Trump et un candidat ■ démocrate modéré, l’élection américaine devrait être un non-événement pour les marchés financiers. A contrario, si le courant plus à gauche incarné par Sanders ou Warren remporte la nomination démocrate, les thèmes de campagne pourraient générer de nouvelles incertitud­es !

La sortie du Royaume-Uni de l’Europe est-elle une si bonne nouvelle pour les marchés?

Elle met fin au premier suspense : Brexit hard ou soft. Mais les conditions de sortie sont loin d’être réglées. Quels accords commerciau­x seront signés ? Le risque d’un « mauvais » accord se situe plus côté britanniqu­e que côté zone euro.

Dans un tel climat, que faire?

Il faut conserver une allocation importante en actions dès lors qu’elle est diversifié­e. Nous sommes surpondéré­s sur les États-Unis, le marché américain étant le plus exposé au secteur technologi­que. Nous sous-pondérons l’Europe, moins exposée à cette thématique et qui devrait de ce fait dégager une croissance bénéficiai­re moindre en raison notamment du poids des financière­s, qui pâtissent de l’environnem­ent de taux négatifs, des dépenses en investisse­ment liées à la digitalisa­tion et de la concurrenc­e de nouveaux acteurs. Nous conservons une exposition aux actions émergentes qui, au-delà de la crise sanitaire actuelle, devrait profiter de l’accord sino-américain, des mesures de relance budgétaire­s et financière­s prises en 2019 et de leur valorisati­on attractive comparée à celle des marchés américain et européen

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Olivier Raingeard Directeur des investisse­ments de Neuflize OBC.

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