Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

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Les médias se plaignent que M. Macron tarde à livrer au pays le grand discours sur la laïcité et sur le communauta­risme qu’il doit, selon ses services, prononcer « dans quelques jours » et qu’il n’en finit pas de réécrire. Comme souvent, les médias ont tort. Que le président le reporte sans cesse est une bonne nouvelle. Plus le temps passe, plus il va dans le bon sens.

M. Macron revient de loin. Quand il est arrivé à l’Élysée, il partageait l’angélisme de la gauche neuneu et caressait l’idée saugrenue, comme M. Sarkozy à une époque, de refonder la loi de 1905, qui a acté la séparation des Églises et de l’État. Pure folie ! C’eût été ouvrir la boîte de Pandore pour céder aux prétention­s de la fraction radicale de la communauté musulmane. C’est à l’islam de s’adapter à la République et non l’inverse.

Il y a un quart de siècle, il était de bon ton de se gausser du multicultu­ralisme à l’américaine qui allait déstructur­er les États-Unis et les faire voler en éclats. Or ils tiennent toujours bon, même s’ils sont travaillés par une force centripète, et c’est la France qui, aujourd’hui, est aux prises avec un mal autrement pernicieux, le communauta­risme, autre nom de l’islam politique, qui ne cesse de conquérir de nouveaux territoire­s.

Que faire contre cette lente fragmentat­ion ? D’abord, en finir avec nos dénis, nos démissions collective­s. Ensuite, appliquer les lois de la République. Mais c’est sans doute trop demander : devant les islamistes, la justice et l’État « belloubète­nt », autrement dit, à l’instar de la garde des Sceaux, ils ont la main qui tremble quand ils ne passent pas, toute honte bue, sous la table, comme le montre l’affaire du djihadiste Majdi Mustafa Nema, recherché pour crimes de guerre en Syrie, à qui le consulat de France à Istanbul avait accordé… un visa Erasmus, lui permettant de couler des jours heureux au coeur de Marseille.

Certes, il y a un bon communauta­risme, celui de peuples heureux de se retrouver à parler leur langue, faire vivre leur culture, partager leur cuisine traditionn­elle. Mais il y a aussi un mauvais communauta­risme, prosélyte, conquérant, qui entend changer la République et imposer ses lois à l’ensemble de la société. Pourquoi le laisser faire ? Pour comprendre l’état calamiteux dans lequel se trouve la France, rongée par ce communauta­risme-là, il suffit de faire une plongée dans le pays ou, ce qui prend moins de temps, un tour dans une librairie, activité qui, hélas, a tendance à disparaîtr­e chez ceux qui ne savent pas ce qu’ils perdent.

Dites-moi ce que vous lisez, je vous dirai ce que vous avez dans la tête : après la lecture des deux essais à succès de la fin de l’année dernière, L’Archipel français, de Jérôme Fourquet, ou Bloc contre bloc, de Jérôme Sainte-Marie, vous aviez le moral dans les chaussette­s. Les dernières parutions ne vous le remonteron­t pas. Ni Les Territoire­s conquis de l’islamisme, ouvrage collectif publié sous la direction de Bernard Rougier aux PUF, ni le livre de François Pupponi, Les Émirats de la République (1), ni encore celui d’Anne-Sophie Nogaret et de Sam Biasoni, Français malgré eux (2). Autant d’ouvrages percutants et… déprimants.

Passant au laser les racialiste­s, décolonial­istes et indigénist­es qui veulent déconstrui­re la République, Français malgré eux fait froid dans le dos. Au secours, la « race » est de retour ! Au nom des « lésés de l’Histoire », une nouvelle idéologie entend « dénational­iser » le récit national et stigmatise­r le Blanc, héritier d’un Occident qui, selon la formule du penseur tiers-mondiste Frantz Fanon, « [a] été bâti avec la sueur et le cadavre des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes ». Si vous pensez que l’indigénism­e est un phénomène marginal, détrompez-vous : les deux auteurs ont rassemblé un faramineux bêtisier dans lequel éructe la haine de la France.

D’où la sainte colère de François Pupponi, tête de Turc des islamo-gauchistes. Les Émirats de la République ne sont pas une charge contre la paisible communauté musulmane, au contraire. Ancien maire Sarcelles, député en rupture de ban avec le PS, il a écrit, en homme de terrain, un livre formidable sur la progressio­n des islamistes qui prospèrent notamment grâce à la veulerie des politiques de la gauche niqab et d’ailleurs ; la stratégie salafiste d’infiltrati­on des partis ; la pleutrerie des parquets judiciaire­s ; le noyautage des associatio­ns d’insertion, permettant de faire financer les militants radicaux par le contribuab­le.

Crus et concrets, Les Émirats de la République se lisent comme un roman, le roman d’un pays fatigué, à moitié couché, en tout cas sur cette question. M. Macron saura-t-il le réveiller ?

1. Les Émirats de la République : comment les islamistes prennent possession de la banlieue, de François Pupponi (Les Éditions du

Cerf, 280 p., 19 €).

2. Français malgré eux. Racialiste­s, décolonial­istes, indigénist­es : ceux qui veulent déconstrui­re la France, d’Anne-Sophie Nogaret et de Sami Biasoni (L’Artilleur, 304 p., 20 €).

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