Montres - Le jubilé du Jubilé
Soixante-quinze ans après sa création, le bracelet emblématique de Rolex en remontre toujours.
n ne le dit pas assez, mais l’histoire de Rolex est avant tout celle de la migration de la montre de la poche au poignet. Loin de jouer les seconds rôles, les bracelets y occupent depuis toujours une place centrale. Dès 1905, l’ambition de Hans Wilsdorf, le fondateur de la maison, est de substituer aux montres de gousset masculines des montres de poignet, jusqu’alors réservées aux femmes. S’il n’a pas la paternité du concept – certains l’attribuent à Louis Cartier, en 1904, d’autres à Vacheron Constantin, qui en aurait produit une dizaine entre 1885 et 1890 – il est le premier à comprendre l’importance de ce basculement. Les innovations de la manufacture ont ainsi pour point de départ les contraintes inhérentes à ce déplacement : la miniaturisation et le port à l’air libre. Dans un garde-temps Rolex, chaque élément a son histoire et son style. Les bracelets n’échappent pas à la règle. Si l’Oyster, le President et le Pearlmaster ont leurs adeptes, la souplesse et l’ergonomie savamment étudiée du bracelet Jubilé occupent une place à part dans le coeur des collectionneurs.
Cette lanière métallique à cinq mailles fut créée pour le lancement de l’Oyster Perpetual Datejust, en 1945. Un lancement pas comme les autres, puisqu’il coïncide avec le 40e anniversaire de la maison. Pour marquer ce « jubilé », Hans Wilsdorf veut éblouir ses pairs. « En étudiant les principales caractéristiques et les détails de cette nouvelle création, l’on se convaincra qu’il s’agit là d’un sommet de la science horlogère. Elle synthétise en effet toutes les découvertes faites à ce jour », déclare-t-il, pris d’un élan de modestie, un soir de novembre 1945, à Genève. Soixante-quinze ans après son introduction, force est de constater que cet habile communicant était aussi un créateur de montres visionnaire, bien qu’il ne fût ni suisse, ni horloger de formation !
Fermoir. Son ambition ? Concevoir la première montre-bracelet pensée comme un objet du quotidien à la fois pratique, fiable et précis. Il s’agissait de réunir dans un même modèle les trois caractéristiques qui ont forgé la réputation avant-gardiste de Rolex – étanchéité, remontage automatique, précision chronométrique certifiée au poignet – et d’y ajouter l’affichage du calendrier dans un guichet de cadran. Une première. Le garde-temps, qui surprend à l’époque par sa grande taille avec un diamètre de 36 millimètres, reprend les courbes du boîtier étanche Oyster de 1926 : carrure taillée dans un bloc massif d’acier, d’or ou de platine ; fond cannelé fermement vissé à la carrure ; couronne de remontoir vissée et glace hermétiquement chassée sur la lunette. Une loupe Cyclope est ajoutée pour amplifier la taille de la date, mais la grande nouveauté est la création du fameux bracelet Jubilé.
Plus fluide et plus élaboré grâce à ses cinq rangées de maillons prolongées d’une boucle déployante ou d’un fermoir dissimulé sous la couronne-emblème, il offre une option plus habillée que le bracelet Oyster, développé dans les années 1930 et composé de trois mailles métalliques. Versatile, il a accompagné les changements de proportions de la Datejust et épousé les boîtiers plus musculeux de modèles comme la GMTMaster II, sans se dénaturer. Amélioré, il arbore, sur la dernière Datejust 36 Rolesor gris – en acier et en or gris –, trois maillons internes polis alors que les externes sont satinés pour être moins sujets aux rayures. Plus massif et plus robuste grâce à sa teneur en Stretch, il est pourvu de la rallonge Easylink, qui permet d’ajouter ou de retirer jusqu’à 5 millimètres sans avoir à démonter les maillons. Un classique redevenu à la mode
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