En attendant que l’exposition du musée Picasso puisse ouvrir, procurezvous le hors-série du « Picasso et la bande dessinée ». Manara, le grand maître de la BD italienne, y est notre invité. Rencontre au sommet.
Point
L’ épidémie actuelle empêche nombre d’expositions de se tenir. C’est le cas de la très attendue « Picasso et la bande dessinée » au musée Picasso, à Paris (cf. encadré). Mais vous pouvez déjà la visiter grâce au hors-série du Point, qui vous raconte cette histoire peu connue entre l’artiste de génie et la BD, qu’il adorait et qui a influencé ses oeuvres. Un vrai roman, où l’on croise aussi d’autres artistes amoureux fous de Picasso, comme le maître italien de la bande dessinée érotique Milo Manara. Certes, ce dernier doit sa notoriété aux planches très suggestives du Déclic ou du Parfum de l’invisible, autant qu’à ses collaborations avec ses amis Hugo Pratt (Un été indien) ou Federico Fellini, avec lequel il signa deux albums magistraux en forme de films, jamais tournés par le réalisateur (Voyage à Tulum, Le Voyage de G. Mastorna). Mais savait-on que ce grand amateur de peinture, qui préféra la BD aux beaux-arts ou à l’architecture auxquels il était destiné, et qui a livré récemment une splendide biographie dessinée du Caravage, avait aussi rendu hommage à l’un des tableaux peints par Picasso en souvenir d’un ami disparu ? En voici l’histoire
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Le Point : Comment avez-vous découvert Picasso? Milo Manara :
Je suis amoureux de Pablo Picasso depuis toujours. J’ai fait une formation au lycée artistique, où je me suis retrouvé en classe avec 17 filles !
Cela a été un parcours d’apprentissage théorique, mais aussi un parcours de vie, qui a eu une influence, je pense, sur ma réputation de dessinateur de femmes. J’avais la ferme intention de devenir peintre et je plaçais Picasso au même rang, dans les maîtres inaccessibles, que Titien ou le Caravage qui forment pour moi une sainte trinité. J’ai une anecdote à propos de Picasso, qui révèle l’obsession que j’avais pour lui. À l’occasion de la grande rétrospective qui lui fut consacrée au Petit et au Grand Palais en 1966, je suis allé à Paris en auto-stop, avec des routiers qui m’ont conduit depuis Vérone. J’étais un gamin à l’époque et c’était la première fois que je découvrais Paris. L’exposition a été un choc, j’en ai un souvenir ému et très beau. Dans la foulée, j’ai voulu retrouver des lieux qui faisaient partie de l’imaginaire lié à Picasso, le Bateau-Lavoir avant tout. Je me suis rendu sur la butte Montmartre, mais le lieu originel n’existait déjà plus.
« Ses nombreux tableaux de plage et de mer continuent de me hanter. »
Vous avez bifurqué de la peinture vers la BD tout en gardant un attachement indéfectible à son oeuvre. Pourquoi?
D’abord, c’est l’intensité de l’atmosphère qui règne dans un tableau de Picasso qui me fascine, comme s’il n’appartenait pas à notre monde. Fellini possède cette même intensité. Il n’y a absolument rien qui puisse être comparé à un plan de Fellini ou à une peinture de Picasso. Comme le Caravage, il a bouleversé l’histoire de l’art et offert une autre grammaire à la peinture. Et puis, à mesure que je me suis éloigné d’une carrière de peintre, j’ai découvert
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