La vie secrète des « immunisés »
souligne-t-il, « l’être humain est avant tout un être social, qui ne peut vivre seul. Nous avons besoin d’une proximité physique », et certaines transgressions peuvent être envisagées comme des « mesures adaptatives ». Opinion partagée par Guillaume, thérapeute installé dans un village alpin, qui vient de participer à une réunion familiale clandestine. Trois générations, grands-parents, enfants et petitsenfants sous le même toit le temps d’un déjeuner. Lui « suppose » avoir contracté le Covid-19 début avril. Sa femme et ses jumelles, qui étaient avec lui, sont « sans doute » asymptomatiques.
Respect. Son père en revanche, 78 ans, vient de sortir de l’hôpital. « Un de ses amis vient d’en mourir, l’autre y est encore», expose Guillaume. Trois jours après la sortie de l’hôpital, sa mère, « sûrement immunisée puisqu’elle était en contact avec [s]on père », lui a proposé de les rejoindre dans leur chalet. « J’ai cédé », avoue-t-il. Il évoque le choix « difficile », tout le monde avait promis de garder ses distances, et puis… Tout a été effacé lorsqu’il a vu le regard de sa mère quand elle a serré ses petites-filles contre elle. « On parle de confinement, mais on ne parle pas de la solitude des coeurs », ajoute le thérapeute, qui pense avoir mené cette « désobéissance sociale » avec « beaucoup de respect ».
Samedi 25 avril après-midi. Laissez-moi danser de Dalida est craché par des enceintes, sur le trottoird’uneruedu18earrondissement de Paris. Des badauds ne peuvent s’empêcher de se rassembler. Les corps s’enlacent, quelques minutes, le temps pour la police d’intervenir. On pense, en voyant ces trompe-lamort qui s’effleurent pour renaître à la vie, aux autres, à ceux qui ont failli y rester. Tel Alexandre, quinquagénaire flamboyant, sportif, d’une santé insolente, qui vient d’atteindre les trente-sept jours de Covid-19, « cette saloperie », dont quinze d’hospitalisation en détresse respiratoire. Pourtant, même lui le reconnaît, de retour de l’île des morts, il n’a pensé qu’à une chose : courir embrasser ses fils
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