Les Gaulois de l’horlogerie
Lorsque l’on commence à s’interroger sur le « made in France » à propos de montres, on en viendrait à se prendre pour saint Augustin : « Qu’est-ce que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Mais quand on me pose la question, je ne le sais plus…», écrivait-il dans le livre XI des Confessions.
Qu’y a-t-il donc aujourd’hui de français dans un monde où toute l’horlogerie est occupée par le Swiss Made ? Toute ? Non ! Des villages peuplés d’irréductibles Gaulois (localisés pour l’essentiel en Franche-Comté) résistent encore et toujours. Si certains de ces guerriers sont connus du grand public en raison de leur riche passé, d’autres espèrent se faire un nom. On assiste même ces temps-ci à un véritable printemps horloger tant les nouvelles marques sont nombreuses à fleurir sur le marché. Avant la crise sanitaire du Covid-19, les indicateurs économiques confirmaient d’ailleurs cette embellie, l’année 2019 ayant vu la production du secteur horloger français atteindre 349 millions d’euros, un chiffre en croissance de 9% selon les résultats communiqués par le comité Francéclat.
Précisons qu’il faut placer à part de célèbres enseignes appartenant à l’univers du luxe, à l’image de Cartier, Chanel, Dior, Hermès ou Louis Vuitton, qui, pour leur département horloger, revendiquent une double origine géographique, associant clairement «esprit créatif français» et «savoir-faire suisse». Bruno Belamich, cofondateur de Bell&Ross, évoque en toute transparence «un design français, une fabrication suisse et une distribution internationale », trilogie vers laquelle tend également la marque Reservoir.
Qu’elles s’appellent ZRC, Ralf Tech, Trilobe, Yema, Saint Honoré, Pierre Lannier, FOB Paris, Briston, Akrone, Awake, Baltic, Hegid, Beaubleu ou Augarde (liste non exhaustive !), ces maisons ont toutes été créées dans l’Hexagone il y a plusieurs
hexagonales en quête de mouvements.
L’espoir d’une synergie anime également Alain Marhic, fondateur de March LA.B en 2008, qui a réuni en juillet dernier plusieurs responsables de maisons horlogères indépendantes françaises afin de partager des idées et réfléchir à une mutualisation des forces.
Justement, Florian Chosson, un ingénieur de 29 ans diplômé de l’école des Mines de Nancy, a lancé en 2016 sa propre marque, Routine, avec une immense ambition : relocaliser toutes les étapes de fabrication sur le territoire français. Avec plus de 80 % de ses composants fabriqués en France et 92 % de la valeur ajoutée au service de l’économie locale, Routine, qui collabore avec treize ateliers partenaires, produit la première montre certifiée « Origine France garantie ». Un label dont Pierre-Alain Berard, directeur général adjoint de Lip, vante les mérites, alors que ses équipes travaillent sur l’élaboration d’un nouveau calibre. «Mon objectif est de ramener les savoir-faire horlogers en France, et plus particulièrement à Besançon. Nous avons franchi une première étape avec la création d’un atelier d’assemblage en interne. La prochaine étape sera la fabrication du mouvement. »
Mais, pour PierreAlain Berard, un mécanisme 100 % français n’a pas vraiment de sens, tant les coûts seraient élevés pour y parvenir. « Au-delà d’un certain prix, le “made in France” horloger n’est plus vendeur. Alors nous préférons fabriquer français au maximum en tenant compte de nos domaines de compétences. » Une opinion partagée par Armand Billard, cofondateur de SartoryBillard, qui met l’accent sur des talents parfaitement maîtrisés et qui font vraiment la différence, notamment dans les domaines de l’artisanat d’art et de la fabrication des bracelets, où excellent nombre de spécialistes tricolores.
Bernard Richards, créateur de la marque BRM en 2003 et grand amateur de sports mécaniques – comme ses montres l’attestent –, a trouvé «sa» solution : dans sa manufacture installée en région parisienne, où il fabrique ses boîtiers, les modèles les plus accessibles reçoivent des mouvements venus d’ailleurs, tandis que les créations haut de gamme bénéficient de calibres maison, dont 90 % environ des composants sont ainsi made in Magny-en-Vexin. Difficile de faire plus français. Pour le moment…
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