Déconfinons le modèle social français ! par Sébastien Le Fol
Le Covid-19 réveille une autre épidémie, bien française cette fois : la défiance. S’il n’a pas démérité, l’exécutif a contribué à ce climat. Sa stratégie est apparue brouillonne et contradictoire. La bureaucratie lui a compliqué la tâche en produisant chaque jour un motif d’inquiétude. Rarement, il aura trouvé le bon ton, les bons mots pour apaiser un pays inquiet. La reine d’Angleterre et Angela Merkel, elles, ont su parler à leur peuple. Paroles concises et souveraines. Peut-être a-t-on manqué de femmes à la tête de l’État français au cours de ces heures sombres… La reine et la chancelière se sont adressées à des adultes. En France, le pouvoir se comporte comme un père Fouettard dans un jardin d’enfants. Pourquoi, après tout, nos dirigeants feraient-ils davantage confiance aux Français ? Ces derniers se méfient de tout le monde : leurs voisins, les riches, les pouvoirs publics, le marché, la justice, la concurrence, le Parlement… Même l’école est devenue un lieu de défiance. Dans ce pays,
« chacun ressent ce qui lui manque plutôt que ce qu’il a », notait le général de Gaulle. Pourtant, cette défiance n’est pas un trait culturel immuable. Macron, comme d’autres avant lui, a bien diagnostiqué les racines de ce mal : notre modèle social, à la fois étatiste et corporatiste, adopté après la guerre de 1939-1945. « Le corporatisme, qui consiste à octroyer des droits sociaux associés au statut et à la profession de chacun, segmente la société et opacifie les relations sociales, ce qui favorise la recherche de rentes, entretient la suspicion mutuelle et mine les mécanismes de solidarité », selon les économistes Yann Algan et Pierre Cahuc. Quant à l’étatisme, à vouloir réglementer la société civile dans les moindres détails, « il vide de son contenu le dialogue social, entrave la concurrence et favorise la corruption ». Cercle vicieux : c’est souvent la défiance des Français qui suscite cette demande de réglementation et de restriction de la concurrence. Et donc la création de nouvelles rentes de situation… Pour sortir de la crise, si on écoute la doxa du moment, il faudrait renouer avec le dirigisme et l’étatisme du programme du Conseil national de la Résistance. Les deux sources de la défiance ! Quelle drôle d’idée ! Le Covid-19 devrait au contraire convaincre le président d’ouvrir une bonne fois pour toutes les fenêtres de ce pays confiné… depuis 1945
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