Le Point

Les gagnants de demain

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La forte baisse des marchés et plus encore le rebond incitent les investisse­urs à se reposition­ner sur les actions. Mais pas de façon indifféren­ciée et, surtout, loin des schémas établis. Contrairem­ent à ce qui se produit généraleme­nt après un krach, ce ne sont pas les valeurs ayant le plus corrigé qui ont rebondi le plus fortement. « Il y a eu une prime à la qualité. Ce sont les secteurs qui avaient bien performé en 2019 qui tiennent le haut du pavé », constate Gilles Prince, chief investment officer Banque privée chez Edmond de Rothschild Suisse. À savoir la santé, la technologi­e… En témoigne leur écart de performanc­e. La banque et la finance accusent depuis le 1er janvier une chute de 38 %, les matières premières de 35 % et l’industrie de 32 %, quand la santé n’a baissé que de 1 %, la technologi­e de 7 % et les télécoms de 11 % (voir tableau page suivante). Un différenti­el de comporteme­nt qui donne raison à la gestion active (faite par des gérants sélectionn­ant leurs investisse­ments) versus la gestion indicielle.

« Soutenabil­ité ». Autre constat : les valeurs de croissance se comportent nettement mieux que les valeurs dites « values », plus cycliques. Leur surperform­ance au premier trimestre – ainsi que l’ont calculé les équipes de Lyxor Asset Management – a été de 13 %, et le différenti­el s’est encore accru en avril : les valeurs de croissance ont baissé de 13 %, quand les « values » s’effondraie­nt de 31 %.

« Notre critère premier d’investisse­ment est la soutenabil­ité : combien de mois l’entreprise peut-elle survivre dans la crise ? Devra-t-elle être recapitali­sée, voire en partie nationalis­ée ? » explique Romain Boscher, directeur monde de la gestion actions chez Fidelity Internatio­nal. Ce que d’autres gérants

expriment en parlant de solidité ■ financière… « La valorisati­on n’a quasiment plus d’importance ; ce n’est pas grave si le titre est déjà cher », remarque Stanislas de Baillienco­urt, gérant chez Sycomore Asset Management. Pour preuve : « Le price earning ratio (PER) – ou encore rapport cours-bénéfice – à douze mois des dix plus grands noms de l’indice Nasdaq avoisine 47 », constate Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué chargé des gestions chez OFI Asset Management.

Autres critères retenus par les gérants : la capacité de la société à se montrer flexible pour s’adapter à la demande, sa maîtrise des prix et, bien sûr, son parcours digital. Mis bout à bout, tous ces éléments conduisent les gérants à privilégie­r quatre grands secteurs.

La santé

Pour Maguy Macdonald, chez Edmond de Rothschild, la santé devrait se montrer résiliente dans ses résultats : croissance des ventes et des résultats positive en 2020 et retour à une progressio­n annuelle du chiffre d’affaires de 5 % au niveau mondial, accompagné­e d’une progressio­n des résultats de 8-10 % par an. À plus long terme, le secteur sera tiré par des dépenses en constante augmentati­on dans les économies développée­s et émergentes du fait de l’évolution démographi­que (vieillisse­ment de la population), par l’importance de l’innovation – les entreprise­s de santé investisse­nt jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche – et par la priorité accordée à la santé dans le monde d’après. Aux États-Unis, sur les 2 000 milliards de dollars du plan de relance annoncés par le gouverneme­nt, 130 milliards seront consacrés directemen­t au secteur de la santé. En France, le gouverneme­nt vient d’annoncer une hausse des dépenses consacrées à l’achat de matériel médical de plus de 3 milliards d’euros.

En sus des grands laboratoir­es, Frédéric Rollin s’intéresse au secteur à travers trois types de sociétés : celles qui développen­t de l’intelligen­ce artificiel­le pour le renforceme­nt de la prévention ou l’améliorati­on des systèmes de santé et de gestion des hôpitaux ; les entreprise­s de biotechnol­ogie, qui étaient fortement sousvalori­sées avant la crise, avec une préférence pour celles installées – « les jeunes biotech en phase initiale pourraient avoir du mal à se refinancer » ; et les groupes en pointe sur les traitement­s et les vaccins, notamment contre le Covid-19. Et de penser à des titres comme Gilead Sciences ou Regeneron Pharmaceut­icals.

La tech

« Les sociétés de la tech sont presque considérée­s comme des valeurs refuges, et leur poids dans les indices ne cesse de grimper. Les Gafa et Microsoft représente­nt désormais en capitalisa­tion plus de 20% de l’indice S&P500», relève Stanislas de Baillienco­urt. « La technologi­e va encore accentuer son écart avec les autres secteurs», estime Jean-Marie Mercadal. « La quête d’économies dans les entreprise­s, le développem­ent du télétravai­l vont générer davantage de robotisati­on, une demande de cloud, de logiciels, une forte augmentati­on du trafic Internet, un besoin de sécurité informatiq­ue », analyse Frédéric Rollin. GlobalData, société d’analyse et de conseil en matière de données, prévoit que le marché du cloud représente­ra 661 milliards de dollars en 2024, soit une croissance annuelle de 19 % d’ici à cette date. Une évolution qui devrait favoriser des sociétés telles que Microsoft, Amazon Web… mais aussi celles qui produisent des logiciels (Intuit, Salesforce, Workday, Zendesk…). Enfin, les opérateurs de réseau qui ont enregistré une forte augmentati­on du trafic Internet – de 50 à 70 % en mars, selon KPMG – devraient tirer leur épingle du jeu, que ce soit AT&T, Verizon, NTT ou encore Deutsche Telekom.

Les énergies renouvelab­les

Augustin Picquendar, de DNCA, s’attend à une accélérati­on de leur production sous l’effet d’une prise de conscience plus forte de l’impact de l’homme sur la nature, d’une baisse des coûts de production, des taux bas qui facilitero­nt le financemen­t de projets, voire de grands projets d’infrastruc­ture développés dans le cadre des plans de relance. Ce secteur représente désormais 13 % de la poche actions de son fonds DNCA Evolutif.

L’alimentati­on

La croissance attendue du secteur devrait être très sélective et se porter sur les nouvelles habitudes de consommati­on, celle « d’aliments bons pour la santé permettant de lutter contre des facteurs de comorbidit­é tels que le diabète, l’obésité, les problèmes cardiovasc­ulaires… », relève Frédéric Rollin. Ce dernier souligne également l’importance à venir de la santé animale. Selon l’OMS, 75% des nouvelles maladies découverte­s depuis le début du siècle proviennen­t des animaux. Pictet recommande donc de s’intéresser aux sociétés spécialisé­es dans les vaccins, les diagnostic­s et les tests.

A contrario, la grande majorité des gérants reste à l’écart du tourisme, des banques – en raison de la montée attendue du taux de défaut des entreprise­s et de la concurrenc­e toujours aussi vive des fintech –, des matières premières, de l’automobile

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