« Rebel without a cost »
Loin des complications horlogères les plus sophistiquées, la simplicité rebelle a un nom : Swatch.
Qu’est-ce qui est suisse, rond, en plastique, donne l’heure et peut se targuer d’avoir sauvé le marché de l’horlogerie ? Une Swatch, bien sûr ! Lorsqu’elle voit le jour en 1983, cette récréative petite montre à quartz, vendue 50 francs, ne se doute pas qu’elle va préserver l’industrie de la banqueroute et creuser le sillon de la montre mécanique haut de gamme, dont la Confédération assure aujourd’hui 95 % de la production mondiale. Le secteur fait alors face à une terrible crise : de 1977 à 1983, la valeur des exportations baisse de moitié. En matière de parts de marché, le nombre de pièces manufacturées recule de 43% à moins de 15%, Hongkong et le Japon reléguant la Suisse à la troisième place du classement mondial. Le pire est que la Suisse est victime d’une de ses inventions : le quartz. Car si ce sont bien les Suisses et non les Japonais qui ont développé la première montre-bracelet à quartz, ils s’avèrent incapables de prendre le train de la modernité en marche. Nicolas G. Hayek, un consultant encore inconnu dans le milieu de l’horlogerie, va inverser la donne. « J’ai défini pour Swatch un message clair et honnête. Premièrement, une excellente qualité. Deuxièmement, un prix attractif et modique. Troisièmement, une provocation de notre société », décrypte l’intéressé.
Engouement. Ce génie du marketing pique la curiosité du public à travers des opérations inédites. Dès 1984, la firme fait son entrée dans le Livre Guinness des records grâce à la construction d’une Swatch de 13 tonnes pour 162 mètres de hauteur, sur le siège de la Commerzbank à Francfort. Il imagine la première montre en plastique sertie de diamants, des montres parfumées à la framboise ou à la banane ; la première montre-réveil ou celles en forme de légumes vendues chez des primeurs… Pour entretenir l’engouement, il lance des éditions limitées, souvent artistiques. Tous ces choix font de la Swatch un objet culte pour une génération soucieuse d’en finir avec « l’horlogerie à la papa». Aujourd’hui, Swatch n’a rien perdu de son irrévérence. En 2013, la maison dévoile le premier mouvement mécanique au monde dont l’assemblage est entièrement automatisé : Swatch Sistem51. En 2018, la série limitée Spot Mickey de Damien Hirst se vend en quelques heures, tout comme la série No Time to Die imaginée cette année en l’honneur de la saga James Bond. Pour faire évoluer son offre, sans mettre à mal son credo – rendre unique ce qui est produit en série –, la firme mise désormais sur la personnalisation. Avec Swatch X You, il est ainsi possible de positionner un motif ou une oeuvre sur sa montre afin d’obtenir un design unique. Ce dernier est ensuite imprimé et peut être accompagné d’un message au dos de la montre. Si la production actuelle n’est pas comparable aux 14 millions de pièces produites les grandes années – elle serait réduite de moitié –, la marque a su vieillir avec ses clients. De quoi franchir sereinement le cap de la quarantaine
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