Bourse : les marchés jouent la reprise
Les actions sont remontées de plus de 20 % depuis leur plus bas niveau, le 18 mars. Une confiance jugée exagérée par certains.
Paradoxal ! L’activité économique plonge mais les marchés rebondissent. À Paris comme à New York, ils ont repris plus de 20 % par rapport à leur plus bas, atteint le 18 mars dernier, lorsque la pandémie s’est étendue au monde entier, nécessitant un peu partout des mesures de confinement.
Mais il est vrai qu’on part de très bas. Jamais, dans aucune crise précédente, la baisse n’avait été aussi forte et aussi rapide, surprenant tous les investisseurs – en 2008, la chute avait été beaucoup plus forte mais étalée dans le temps. En mars, il n’a fallu qu’un mois pour que le CAC 40 perde 40 % de sa valeur. Et ce qui est vrai pour Paris l’est aussi pour les autres
Bourses occidentales : 38 % de baisse pour le Dow Jones entre le 19 février et le 18 mars, 40 % pour le Dax allemand et 31% pour le Nikkei 225.
Le rebond, si fort soit-il, ne compense pas la chute enregistrée : par rapport à son plus haut, le CAC 40 affiche encore une perte de 26 % et le Dow Jones de 18 %. Il n’empêche : la reprise a tout autant surpris les investisseurs que la baisse par son ampleur : + 25 % pour les actions européennes, + 30 % pour l’indice des grandes capitalisations américaines, le S&P 500, + 38 % pour l’indice Nasdaq, qui accueille principalement les valeurs technologiques. Ce dernier est même repassé un temps en territoire positif…
Mais comment expliquer la confiance des marchés ? « Elle tient principalement à l’action des banques centrales, qui, contrairement aux précédentes crises, a été rapide », souligne Vincent Guenzi, directeur de la stratégie d’investissement chez Cholet Dupont. La Fed a injecté près de 3 000 milliards de dollars de liquidités, multipliant son bilan par huit. La BCE l’a quasiment triplé. « Les gouvernements ont également adopté des mesures de sauvegarde d’ampleur inégalée », poursuit Vincent Guenzi. Les autorités américaines, par exemple, ont récemment adopté un plan de relance de 2 000 milliards de dollars équivalant à 10 % du PIB, le plus vaste de l’histoire du pays.
« Reprise en U ». Cet afflux de liquidités soutient les valorisations. « Il constitue surtout un pari d’une reprise de l’activité en U », commente Frédéric Rollin, chef économiste chez Pictet Asset Management. Un scénario que, comme nombre de ses confrères, il estime exagérément optimiste. À l’appui de son analyse, l’ampleur attendue de la récession. « Aux États-Unis, le nombre d’emplois détruits depuis le début de la crise est désormais équivalent au nombre d’emplois créés au cours des dix dernières années », constatet-il. En Europe, les amortisseurs sociaux limitent le coût social mais le recul de l’activité est tout aussi patent : la Commission européenne estime à 8,2 % le recul du PIB en 2020. Et ce n’est qu’une moyenne. « C’est la plus grande crise traversée par la Grande-Bretagne depuis deux siècles », estime la Banque d’Angleterre, qui table, elle, sur un recul de 14 % du PIB britannique en 2020. Et ce n’est pas fini. Des entreprises
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vont déposer le bilan tandis ■ que d’autres vont couper dans les dépenses pour survivre. Les experts estiment que les bénéfices pourraient baisser cette année de 30 à 40 %. « Une baisse qui, si elle est confirmée, justifierait que les marchés soient plus bas. Les multiples de valorisation constatés aujourd’hui sont trop élevés », continue Frédéric Rollin. Et ce dernier de recommander la prudence : « Il est trop tôt pour réinvestir. » De son côté, Jean-Marie Mercadal, d’Ofi Asset Management, entrevoit une sortie de crise très progressive : « Il faudra un certain temps pour retrouver une situation classique. »
Plus optimiste, Vincent Guenzi estime que le rebond de 25 à 30 % des indices boursiers depuis la mimars n’est pas dangereux si une deuxième vague épidémique n’apparaît pas. En revanche, il n’entrevoit pas de hausse à court terme. « Ce rebond peut limiter la progression des indices, en attendant la confirmation de la reprise de l’activité ou des progrès thérapeutiques. » Et de conseiller de profiter des replis modérés qui ne manqueront pas de se produire, compte tenu de la volatilité des marchés, pour compléter son portefeuille dans une optique à moyen terme. « Nous sommes convaincus que la reprise économique interviendra à relativement brève échéance. Le potentiel de hausse pour la fin de l’année dépasse 10 à 20 % selon les indices. »
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