Macron, le déguisement permanent, par Sébastien Le Fol
Emmanuel Macron se voit en héros politique. Et quand il se compare à des personnages du passé, c’est à des héros mythiques. Son vestiaire est riche de costumes historiques qu’il enfile selon les circonstances : Jeanne d’Arc, Mendès, Pompidou… En mars, devant un hôpital de campagne à Mulhouse, on l’a vu mimer Clemenceau dans les tranchées. Récemment, à l’Élysée, en visioconférence devant les people chics de la culture, il s’est essayé au lyrisme de Malraux. En ce printemps, le chef de l’État met ses pas dans ceux du colonel de Gaulle. Il revisite ainsi quelques-uns des « grands ensembles » politico-mythologiques français définis par l’historien Raoul Girardet : le sauveur, l’âge d’or, l’unité… Pourtant, le verbe macronien a beau évoquer des heures shakespeariennes, il résonne comme un feuilleton de France 3. Il y a un décalage entre le ton présidentiel, l’imaginaire qu’il charrie, et le prosaïsme de notre situation. Nous ne sommes pas en 1940, et Macron n’est pas de Gaulle. Dans son livre De Gaulle dictateur (réédité chez Perrin le 28 mai), le journaliste Henri de Kerillis écrivait ceci à propos de l’homme du 18 Juin : « On se croirait devant une transposition, sur la scène publique, du génial artiste Fregoli qui, pendant près d’un demi-siècle, attirait dans les cirques de France et de l’Europe entière des foules émerveillées, à cause de la vitesse prodigieuse avec laquelle il apparaissait sous les déguisements les plus différents. » Macron est notre Fregoli. Le président croit au miracle des rois thaumaturges. En revêtant leurs habits, en prononçant leur nom, il espère capter le pouvoir de guérison qu’on leur attribuait. Il ne se résigne pas à être un leader centriste et technocrate du XXIe siècle. Il a besoin d’imaginer des flammes et des bruits de canons autour de lui quand il s’adresse aux Français. Au risque de paraître jouer dans une mauvaise reconstitution. « Il jetait dans les âmes la semence d’une future grande moisson d’héroïsme », écrit Kerillis à propos de De Gaulle. La moisson macronienne sera-t-elle aussi féconde ?
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