Mode – Un peu de tenue
Fini le relâchement, oublié le flou : l’esprit tailleur souffle sur la mode.
La mode est censée anticiper les tendances, mais il y a une chose qu’elle n’a pas pu prévoir : les semaines de confinement durant lesquelles se vêtir consistait à assurer son confort plus qu’à soigner son apparence. Terminé, les journées entières passées dans des vêtements mous, place bientôt aux collections qui ont été présentées en février dernier dans les grandes capitales de la mode, quelques jours avec le grand confinement. Hasard ou coïncidence, les créateurs ont justement lâché leur perfusion de streetwear pour revenir au prêt-àporter de luxe avec des vêtements mettant en valeur le façonnage et le savoir-faire pour mieux souligner le corps et en marquer les lignes. Même le chantre du streetwear Virgil Abloh, directeur artistique des collections masculines de Louis Vuitton et de sa marque Off-White, avait prédit le changement d’ère au profit notamment du vintage, qui n’est autre que la célébration d’une mode à la confection durable. « Il y a à la fois les créateurs qui ont envie de reparler de vêtements bien faits et les marques qui cherchent à renforcer leurs codes du luxe en s’adressant de nouveau à leur coeur de clientèle », constate Alix Morabito, directrice mode du groupe Galeries Lafayette. Après des années d’opérations séduction envers les milléniaux, le luxe voudrait donc reconquérir une cible plus mature, plus fortunée aussi, qui connaît les valeurs de ce que l’on appelle « les belles pièces ». Les volumes travaillés des robes en brocart de Jonathan Anderson pour Loewe, les épaules exagérément marquées de Balenciaga, les leggings en latex galbant les jambes des mannequins de Saint Laurent… mais aussi, chez l’homme, le retour du costume, d’un vestiaire plus formel comme chez Dior par Kim Jones avec une collection automnale aux airs de couture, et Givenchy avec le traditionnel deux pièces twisté près du corps. «Cela se ressent depuis plusieurs saisons dans les collections féminines et masculines. Du côté de l’homme, on remarque ce retour du formel mais en gardant l’attitude, la dégaine et le confort hérités du streetwear », poursuit-elle. Une bonne excuse pour traverser la Manche (quand ce sera possible), direction Savile Row, la mythique rue des tailleurs londoniens
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