Sonnez trompettes, pour ces nouveaux élus !
Le Point révèle les mots qui entrent dans la prochaine édition du Petit Larousse illustré. Coulisses d’une consécration.
Avec l’hipstérisation de certains hypercentres, le nombre d’antivax bondit dans les grandes villes. Beaucoup sont patrons de start-up au régime microsocial, à la coolitude assumée. Mais, en secret, ils se confient à des chatbots et cherchent souvent à évaluer leur quotient émotionnel, ou celui de leurs enfants, dont on dépiste parfois qu’ils sont des zèbres.
Des problèmes de compréhension ? Alors ouvrez l’édition 2021 du Petit Larousse illustré (ou consultez en attendant notre glossaire ci-contre et pages suivantes) : ces mots viennent d’y entrer, comme d’autres, tels déconsommation, blob, gilets jaunes, tirlibibi, frugalisme ou encore biorecyclage, EMDR et hygge. Sonnez trompettes ! La sphère politique n’est pas en reste : on peut aujourd’hui assurer sans encombre que les black blocs et les illibéraux prônent le dégagisme et la gréviculture, provoquant la remontada de certains candidats dans les sondages. Ou encore que les faiseurs de rois sont les influenceurs de l’hyperprésidence !
L’entrée de nouveaux mots dans le dictionnaire est le reflet de la société, de ce qui l’anime, de ce qui la transforme : « Ce sont nos préoccupations qui s’y traduisent. On n’intègre pas un mot par effet de mode ou en réaction à l’actualité chaude », explique Carine Girac-Marinier, directrice du département Dictionnaires, encyclopédies et périscolaire chez Larousse. « Ainsi, cette année, le mot féminicide fait son entrée : il est en effet de plus en plus employé depuis trois ans, mais on a attendu qu’il soit utilisé massivement et que son usage soit partagé par le grand public. »
Tous les ans, ce sont donc 150 nouveaux mots, sens ou expressions qui obtiennent leur visa pour la postérité. Les propositions viennent des « terminologues » de Larousse (des encyclopédistes spécialisés dans un domaine), des conseillers référents dans chaque discipline (médecins, juristes…) ou des lexicographes. Dans des réunions souvent animées, chacun défend la place de son mot. D’aucuns évoquent même – avec humour – l’existence « d’alliances de couloir » : « Tu défends mon mot, je défends le tien… » Au terme d’une lutte parfois acharnée, ce sont les plus pertinents qui l’emportent, et, inévitablement, pour accueillir ces nouveaux venus, le Petit Larousse doit aussi régulièrement se plier à un régime impitoyable. Lors de la dernière refonte, pour l’édition 2012, le verbe magnétoscoper a ainsi déserté, mais son « mot souche », le nom commun magnétoscope, est resté. De même, miniteliste est parti, en laissant seul le Minitel. C’est déjà bien ! Quelques années plus tôt, c’était le drink qui était sorti. Dommage, car délicieusement désuet. « Mais les anglicismes passent de mode », décrypte Carine Girac-Marinier.
La force du Petit Larousse est là: être ancré
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dans le présent, tout en nous plongeant dans ■ l’Histoire (l’institution officie depuis 1856 !) : car avec ces célébrissimes pages roses – l’une de ses marques de fabrique –, citations, proverbes, maximes et mots historiques ramènent les lecteurs à la mémoire collective.
En feuilletant ces centaines de pages, nos yeux se perdent dans une planche illustrée, notre regard est attiré par un schéma ou par la photo du visage familier d’une personnalité. Ce dictionnaire se parcourt bien souvent dans le désordre, alors même qu’on était précisément venu y chercher une orthographe, une définition peut-être. Récemment, le Covid-19 envahissant notre quotidien, ce seront
FÉMINICIDE Meurtre d’une femme ou d’une jeune fille, en raison de son appartenance au sexe féminin.