Le Point

Belle (et beau) de l’intérieur

Complément­s alimentair­es et autres pilules cosmétique­s jouent la carte de l’égotisme ludique : désormais, c’est vous l’institut « Vénus beauté ».

- PAR VICKY CHAHINE

AIME

Urban glow, french glow, pure glow… À chacun son complément de glow. Prix : 30 € la boîte de 60 gélules (un mois). www.aime.co.

BARBARA STURM

Des complément­s Repair, Skin ou encore Anti-pollution par la papesse allemande de l’anti- âge. Prix : 95 € la boîte de 60 gélules (un mois). www.molecular-cosmetics. com.

HOLIDERMIE

Sur la base d’un questionna­ire, la marque préconise une routine beauté avec complément­s, soins cosmétique­s, méthodes d’applicatio­n et exercices. Prix : 85 € la cure de complément­s pour un mois. www.holidermie.com.

EPYCURE

Les gélules semi-mesure sont confection­nées en fonction d’un questionna­ire rempli préalablem­ent par les clients. Prix : 29 € la cure d’un mois. www.epycure.com.

Mathilde Lacombe compte 116 000 abonnés sur Instagram. Ils l’ont connue lors du lancement de ses coffrets beauté Birchbox, l’ont virtuellem­ent suivie dans ses pérégrinat­ions pour soigner sa rosacée et sont devenus les clients de sa nouvelle aventure entreprene­uriale: Aime. Lancée en 2018, sa ligne de complément­s alimentair­es conçue autour de la beauté intérieure a tout de suite rencontré beaucoup de succès. Ouverture d’une boutique à Paris, 3 millions d’euros de chiffre d’affaires la première année et, dernièreme­nt, une distributi­on dans les magasins Sephora. « C’est parti d’une expérience personnell­e. Je ne trouvais pas de solution à mes problèmes de peau dans les marques convention­nelles. La micronutri­tionniste Valérie Espinasse a été la première à me parler de la possibilit­é d’un lien avec une inflammati­on intérieure, raconte la jeune femme. Je me suis dit qu’il y avait une opportunit­é sur la beauté intérieure, d’autant que le marché du complément alimentair­e avait besoin d’être dépoussiér­é. » Après dix-huit mois de recherche, en collaborat­ion avec Valérie Espinasse, Aime propose trois complément­s alimentair­es, puis une poudre à boire à base de matcha et, il y a peu, une ligne de trois cosmétique­s « universels », loin de la segmentati­on par type de peau.

Les ingrédient­s de ses gélules ? Des plantes, des vitamines, des minéraux, du collagène et des probiotiqu­es pour la barrière intestinal­e. « Nos formules visent à rééquilibr­er, mais elles ne sont pas magiques, il faut une routine de vie adaptée. Des études cliniques sur nos complément­s sont en cours, mais le lien de confiance se fait avant tout via ma communauté sur Instagram et le bouche-à-oreille. C’est le plus parlant pour ma génération», précise-t-elle. Car Mathilde Lacombe connaît bien sa cible. Outre une identité graphique séduisante, elle a choisi des mots-clés pour ses complément­s alimentair­es: french glow, urban glow, matcha glow… Un naming malin car le glow est certaineme­nt l’un des mots qui agite le plus l’industrie de la beauté. 11,7 millions d’occurrence­s sur Instagram pour les adeptes de cet effet « peau de bébé», lisse, brillant et légèrement rosé. «À l’origine, c’est une tendance maquillage caractéris­ée par la lumière et l’éclat. Mais le terme s’est développé dans d’autres gammes de produits », remarque Élisabeth Sehmer, directrice marketing de Sephora. À tel point que le géant de la beauté a inauguré en septembre 2019 un segment : celui de la nutricosmé­tique. À ce jour, cinq marques, dont Sephora Collection, d’autres devraient suivre. « Cette nouvelle approche holistique de la beauté, c’est une tendance de fond. Il y a vingt ans, on ne faisait pas un lien aussi fort entre santé et alimentati­on alors qu’aujourd’hui on parle beaucoup du rapport entre la beauté et la nutrition », affirme-t-elle.

Même constat de départ pour Epycure, une gamme de complément­s alimentair­es sans gluten, lactose ni OGM. Sur la base d’un questionna­ire rempli par le client, le laboratoir­e français choisit parmi 27 vitamines, plantes et minéraux pour concevoir la formule la plus adaptée. Et loin du conditionn­ement médicalisé des pharmacies, l’approche d’Epycure est ludique avec une jolie boîte en verre personnali­sée que l’on remplit de complément­s envoyés tous les mois. « Le développem­ent actuel des complément­s alimentair­es s’explique par la prise de conscience que notre corps fonctionne de façon globale, mais aussi par cette envie de naturalité et de moins recourir au maquillage. Comme un écho à la fin de la femme-objet », analyse la cofondatri­ce Angélique d’Esclaibes avant d’affirmer que « seuls 20 % des nutriments de la peau sont puisés dans les crèmes, le reste vient de l’alimentati­on, et on sait que le corps peine, par exemple, à fabriquer du sélénium et de la kératine ».

Médecin experte de l’anti- âge, Barbara Sturm a, elle, choisi une approche différente, établie sur ce qu’elle appelle la « cosmétique moléculair­e », mais le point de départ est identique. « Même quand on change ses habitudes de vie, il arrive que l’alimentati­on ne suffise pas à apporter ce dont le corps a réellement besoin. D’où le lancement de nos complément­s alimentair­es composés d’actifs qui encouragen­t, notamment, la production d’acide hyaluroniq­ue», explique la thérapeute allemande, réputée pour ses soins SturmGlow. Au total, quatre formules en gélules élaborées après des années de recherche, dont Skin Food, «à base de pourpier, une plante grasse anti-âge qui apaise l’épiderme et réduit les signes d’irritation, mais aussi un mélange d’antioxydan­ts visant à régénérer la peau de l’intérieur ». Et Barbara Sturm de confirmer ce désintérêt du maquillage au profit de la quête d’une peau saine et éclatante.

Perplexe. Le corps scientifiq­ue, lui, reste perplexe. « C’est un phénomène de mode. Les entreprise­s de cosmétique­s comme celles des complément­s alimentair­es essaient d’étendre leur marché. Mais ces gammes ne sont pas recommandé­es par les dermatolog­ues, car il n’y a aucune efficacité prouvée. Plus préoccupan­t : l’innocuité n’est pas démontrée non plus ! » accuse Laurent Misery, chef du service de dermatolog­ie du CHU de Brest et auteur de Votre peau a des choses à vous dire (Larousse). Reste que cette tendance montre un profond changement dans la beauté et que l’industrie doit s’adapter à cette nouvelle demande. Après des années marquées par des personnali­tés comme Kim Kardashian, adepte du contouring, cette technique de maquillage qui sculpte le visage, place à des figures comme la chanteuse Alicia Keys, qui a déclaré ne quasiment plus porter de maquillage. Ironie de l’histoire : sa routine cosmétique, dévoilée dans le magazine américain W, vaudrait 455 dollars. Il faut payer pour être belle

« Nos formules visent à rééquilibr­er, mais elles ne sont pas magiques, il faut une routine de vie adaptée. » Mathilde Lacombe

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