Un écart d’endettement croissant
France
Zone euro 84,1
plus élevé en Allemagne, car ■ la surface financière de l’État allemand est un peu plus forte que la nôtre. Notre niveau d’endettement public est plus élevé », reconnaît-on à Bercy.
Pour Xavier Ragot, l’affaire est potentiellement grave. « L’Allemagne est un des pays les moins touchés par le Covid, qui enregistre la chute du PIB la plus limitée et elle sort un argent colossal pour ses entreprises. Elles vont rebondir plus fortement alors qu’on risque de se retrouver avec des entreprises françaises surendettées, moins capables d’investir. Si ce scénario se confirme, dans dix ans, la divergence se sera encore accentuée.» La Commission européenne en est consciente. Elle a calculé que l’Allemagne a mis sur la table, à elle seule, plus de 45 % des aides d’État recensées ! D’où sa proposition de plan de relance européen financé par de la dette commune…
Coûts fixes. C’est pourquoi l’OFCE suggère que l’État français imite – une fois de plus – son puissant voisin, en prenant à sa charge les coûts fixes des entreprises pour la période de confinement. Cela reviendrait à payer les factures de l’immobilier, des loyers, de l’électricité, etc. La facture pour l’État pourrait atteindre de 10 à 15 milliards d’euros, en fonction du périmètre des coûts fixes retenus, environ un demi-point de PIB. Une mesure jugée bien trop coûteuse. «Il ne faut pas inverser les priorités, relativise-t-on dans l’entourage du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. En sortie de crise, les entreprises peuvent avoir besoin de rétablir des stocks et de payer les fournisseurs afin de relancer l’activité, mais ça reste des problèmes de trésorerie. » Bercy espère bien que beaucoup de sociétés pourront s’en sortir d’elles-mêmes, grâce, notamment, à l’étalement des remboursements des charges fiscales et sociales sur trente-six mois, quand celles-ci n’ont pas déjà été purement et simplement annulées, comme pour le secteur touristique. L’idée est d’intervenir de façon beaucoup plus sélective pour préserver des finances publiques déjà durement éprouvées, avec une dette qui devrait dépasser 121 % du PIB. Le gouvernement prépare donc des mesures ciblées pour renforcer les fonds propres des entreprises, c’està-dire l’argent qu’elles ont en réserve en face de leurs dettes pour investir, attirer des investisseurs ou s’endetter davantage si leur développement l’exige. L’OFCE estime les besoins à environ 8 milliards d’euros. Mais pas question pour l’État d’injecter de l’argent qui servirait immédiatement à payer les créanciers, dont les banques. Pour les entreprises en difficulté, qui auront du mal à rester solvables à cause d’un retour très lent à une activité normale, notamment dans certains secteurs comme l’aéronautique, Bercy ne veut intervenir que si les créanciers de l’entreprise acceptent de faire un geste, en accordant des délais de remboursement ou en abandonnant une partie de leurs créances: « Injecter de l’argent frais pour qu’il soit mangé par un mur de dettes à rembourser n’a pas d’intérêt. L’entreprise restera un peu zombie. »
Trois économistes, Jean PisaniFerry, Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste du FMI, et Thomas Philippon, recommandent que chaque fois qu’une banque abandonne une partie de sa créance l’État fasse au moins le même effort, voire plus, en renonçant à exiger les impôts et les charges dus. Au contraire, si le créancier refuse de renégocier, l’État, toujours prioritaire pour être remboursé, continuerait de réclamer ce qui lui est dû, ce qui inciterait le créancier à composer pour ne pas risquer une faillite. L’avantage serait d’associer les banques à l’examen de dossiers qui devraient se compter par dizaines, voire par centaines de milliers de petites et très petites entreprises, ce que l’État aura du mal à faire tout seul. La transformation des prêts garantis
« Injecter de l’argent frais pour qu’il soit mangé par un mur de dettes n’a pas d’intérêt. » Bercy
Olivier Lendrevie
Corinne Léger-Licoine
Philippe Prud’homme