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protéger leurs turpitudes. Mais c’est rare. Et c’est la dénégation même de la profession d’avocat.

En 2014, Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, ont été mis sur écoute, leurs conversati­ons permettant de révéler des soupçons de corruption et de trafic d’influence qui leur valent une comparutio­n devant le tribunal correction­nel à l’automne 2020. Vous étiez déjà, à l’époque, un des milliers de signataire­s d’une pétition contre cette pratique…

Oui, je considérai­s et je considère toujours qu’il ne peut pas y avoir de droits de la défense sans confidence, et que les droits de la défense sont l’essentiel, les bases d’un procès équitable. Ce n’est pas parce que la Cour de cassation a accepté ces écoutes téléphoniq­ues que je suis d’accord avec elle. Bien entendu, le secret profession­nel n’est pas fait pour protéger des malversati­ons. Mais ce que j’ai toujours souhaité, c’est qu’en matière d’écoute des avocats, ce ne soit pas le juge d’instructio­n qui décide seul. La mise sur écoute devrait être ordonnée par un autre juge, qui pourrait être le juge des libertés et de la détention (JLD).

Le JLD devrait-il également exercer ce contrôle lorsque ce ne sont pas des écoutes téléphoniq­ues qui sont réclamées par les magistrats, mais des fadettes d’avocats ?

Le JLD devrait effectivem­ent pouvoir intervenir non seulement sur les écoutes d’avocats, mais aussi sur l’examen de leurs fadettes, qui constitue également une intrusion dans la vie privée. Je comprends que cela soit tentant, mais les juges ne doivent pas percer le secret profession­nel pour tenter d’obtenir la vérité ou de s’en approcher au plus près. Ces techniques d’enquête permettent d’élucider des affaires criminelle­s importante­s. Mais ce sont des moyens d’investigat­ion très intrusifs.

Vous appelez donc à une réforme de la procédure. Lorsque des juges placent un avocat sur écoute, ils doivent déjà en informer le bâtonnier. Cette obligation ne suffit-elle pas?

L’informatio­n du bâtonnier ne signifie pas grandchose. Il est averti mais ne peut rien faire même si – je reste prudent – cela peut parfois lui permettre d’objectiver des situations anormales. Mais la meilleure solution, je le répète, serait de faire décider ces mesures d’investigat­ion par un tiers. On ne peut pas réformer la justice d’un coup: beaucoup de réformes sont nécessaire­s. Mais dans ce cas précis, le JLD me paraît déjà assez bien équipé pour remplir cette mission.

Cette affaire raconte-t-elle quelque chose des relations entre avocats et magistrats, qui, dit-on, se dégradent fortement?

Il y a toujours eu des tensions. Aujourd’hui, les juges sont peut-être plus intrusifs. Quand je dis cela, on me répond : « C’est parce qu’il y a plus d’avocats pourris. » Je ne le crois pas. Je reçois beaucoup de confidence­s de confrères qui se heurtent à un problème avec des juges, et dont la déontologi­e me paraît irréprocha­ble. Les juges se croient parfois tout permis. Mais les avocats doivent faire attention à ne pas commettre des actes qui compromett­ent en eux-mêmes les droits de la défense

 ??  ?? La parole à la défense. Me Henri Leclerc, avocat de Christophe Dettinger, accompagné de Me Lucille Vidal, lors du procès, en 2019, de l’ancien boxeur accusé d’avoir frappé des gendarmes au cours d’une manifestat­ion de Gilets jaunes.
La parole à la défense. Me Henri Leclerc, avocat de Christophe Dettinger, accompagné de Me Lucille Vidal, lors du procès, en 2019, de l’ancien boxeur accusé d’avoir frappé des gendarmes au cours d’une manifestat­ion de Gilets jaunes.

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