Roman : Beck et Nimier, duo taquin
Il avait écrit d’elle, à l’occasion de son Goncourt pour Léon Morin, prêtre, en 1952, «ce jeune écrivain, qui a profondément le désir de ne pas plaire, nous plaît bien». Béatrix Beck rencontre l’auteur de ces lignes, Roger Nimier, au dîner suivant son prix. Une décennie d’amitié vive s’ensuivra, faite de taquineries, entre deux écrivains que tout semble opposer, tout d’abord leurs opinions politiques. En 1955, Nimier « offre » à Beck, grâce à ses relations, la nationalité française. Celle-ci détestant la Belgique, c’était son souhait le plus cher. Un accident de voiture ôte la vie au « hussard bleu ». Il n’a pas 37 ans. Son amie y voit le demi-suicide d’un enfant triste caché sous sa désinvolture. Les princes charmants ne peuvent pas vieillir, mais leur esprit peut revivre en littérature. L’espiègle et poignant « tombeau » d’une amitié, voilà ce que réussit Béatrix Beck avec Devancer la nuit, paru en 1980, et réédité aujourd’hui avec la correspondance entre les écrivains. Le roman la transpose en un ludique festival de phrases lancées de l’un à l’autre, du tac au tac entre l’écrivain Alexis Deblaise et la journaliste américaine Anaïs Dobleï. Au milieu des amoureux (c’est une fiction) se tient Blanche, la bonne, voix de la sagesse populaire, pestant de voir sa jeune maîtresse s’épuiser à donner le goût de la vie à celui qui a décidé de la perdre ■
Devancer la nuit, de Béatrix Beck, suivi de Correspondance avec Roger Nimier (Les Éditions du chemin de fer, 175 p., 18 €).