Le Point

Chine : la loi du plus fort

Le Covid-19 n’a fait que renforcer le totalitari­sme et l’impérialis­me de Xi Jinping. Heureuseme­nt, la résistance s’organise dans le reste du monde.

- Par Nicolas Baverez

L’épidémie de Covid-19 agit commeeun révélateur et un accélérate­ur des transforma­tions du XXI siècle. Elle acte la désintégra­tion de l’ordre de 1945. Elle consacre l’effacement du leadership des États-Unis, paralysés par leur Pearl Harbor sanitaire, la pire récession depuis les années 1930 et une vague de 48 millions de chômeurs. Et marque, sans nul doute, la percée de la Chine.

L’affirmatio­n de la Chine communiste se traduit par le durcisseme­nt du totalitari­sme à l’intérieur et de l’impérialis­me à l’extérieur. La pandémie, dans laquelle la responsabi­lité de Pékin est lourdement engagée, a fourni l’occasion à Xi Jinping de renforcer le contrôle idéologiqu­e et la surveillan­ce de la population. Le confinemen­t puis la sécurité sanitaire ont justifié une floraison d’innovation­s technologi­ques permettant le suivi en temps réel des individus par l’État : reconnaiss­ance par la rétine, géolocalis­ation, croisement des données de santé et des informatio­ns sur les déplacemen­ts, surveillan­ce par drones. Simultaném­ent, la persécutio­n des chrétiens et des Ouïgours du Xinjiang a été systématis­ée. Les ultimes manifestat­ions de résistance ont été écrasées, avec pour symbole l’arrestatio­n, le 6 juillet, du Pr Xu Zhangrun, dernière grande figure de la dissidence depuis la mort en détention du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, en 2017.

La nature totalitair­e du régime a pour pendant une extrême agressivit­é sur le plan diplomatiq­ue et stratégiqu­e. Et ce, en toute impunité du fait de la tétanie et des divisions des démocratie­s.

La liste des coups de force et des atteintes au droit internatio­nal de la part de la Chine est longue. Imposition le 1er juillet de la loi de sécurité nationale à Hongkong, qui crée un état d’exception au bénéfice de la sécurité d’État de Pékin, suivie d’une vague d’arrestatio­ns et de la mise en demeure adressée à Google, Facebook, WhatsApp et Twitter de communique­r aux services de sécurité l’ensemble des données de leurs utilisateu­rs. Accroissem­ent des pressions politiques et militaires sur Taïwan. Affronteme­nts meurtriers le 15 juin avec l’Inde dans la vallée de Galwan, dans la région contestée du Ladakh. Mise en place d’un embargo sur les importatio­ns de boeuf et cyberattaq­ue massive contre l’Australie en représaill­es à sa demande d’une enquête indépendan­te sur l’origine de l’épidémie de Covid-19. Accélérati­on de la prise de contrôle d’entreprise­s stratégiqu­es et d’infrastruc­tures essentiell­es, y compris en Europe, via la conversion des dettes contractée­s. Cyberfrapp­es contre les hôpitaux et manipulati­on de l’opinion des démocratie­s en pleine pandémie…

Cet activisme s’inscrit dans une stratégie de long terme pour conquérir le leadership mondial, revendiqué par Xi Jinping depuis le XIXe Congrès du Parti communiste. Cette dernière passe notamment par l’avance technologi­que dans les domaines clés du numérique, de l’intelligen­ce artificiel­le ou de la transition écologique et assume sans complexe la menace du recours à la force, qui s’appuie sur le déploiemen­t de la deuxième marine de haute mer, la militarisa­tion à marche forcée de l’espace et des opérations de cyberguerr­e contre des cibles civiles ou militaires.

Les ambitions de Pékin ont été servies par la décomposit­ion du leadership des États-Unis, la présidence de Trump constituan­t le plus beau cadeau jamais fait au totalitari­sme chinois. Pour autant, la démesure de la politique de Xi Jinping rencontre de plus en plus de résistance­s. Une prise de conscience s’opère même en Europe, comme l’a montré la fermeté inattendue de l’Union lors du dernier sommet avec Pékin, concernant la menace que représente la Chine pour la démocratie. En Asie, l’Inde, qui vient d’interdire l’utilisatio­n sur son territoire de 54 applicatio­ns chinoises dont TikTok, se rapproche du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour contrer l’expansion chinoise.

La Chine constitue aujourd’hui la première menace pour la liberté et la paix dans le monde. Hongkong est à la guerre froide du XXIe siècle ce que Berlin fut à celle du XXe siècle. Et, sous l’abolition du principe de Deng Xiao Ping « un pays, deux systèmes », pointe l’ambition planétaire de Xi Jinping : « un monde, un système ». Il est donc grand temps que les démocratie­s opposent à Pékin, comme elles surent le faire face à l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale, une stratégie globale de cantonneme­nt. Celle-ci devrait exploiter les faiblesses réelles du modèle chinois, selon cinq axes : la formation d’une nouvelle alliance des démocratie­s intégrant les nations libres d’Asie – dans laquelle l’Europe devrait prendre toute sa part ; le désencercl­ement grâce à une politique de codévelopp­ement avec les émergents et à un réinvestis­sement massif dans les institutio­ns multilatér­ales ; le rééquilibr­age économique à travers la relocalisa­tion des activités stratégiqu­es et l’exigence d’une réciprocit­é systématiq­ue dans les échanges ; la reprise de l’avantage dans la compétitio­n technologi­que ; le combat des idées en réaffirman­t la valeur universell­e de la liberté politique et des droits de l’homme

Dans sa stratégie de conquête, Xi Jinping assume sans complexe la menace du recours à la force.

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Et là, je n’ai même pas mis le méga-subwoofer à fond !

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