Le Point

Gastronomi­e : à la recherche de la tomate perdue

Partez à la découverte de la « pomme d’or », trésor de notre été, à déguster sous ses multiples formes mais toujours localement et en saison.

- PAR THIBAUT DANANCHER

C’est un parfum d’enfance qui a bercé les étés à la campagne. Celui d’un trésor du potager servi à l’heure du déjeuner. Impossible d’oublier ses effluves herbacés, ses fragrances de basilic, sa chair à la fois tendre, juteuse et fondante. Cette tomate-là est devenue le fruit – botaniquem­ent parlant – de nos souvenirs.

Solanum lycopersic­um, de son nom latin, fut découverte à l’état sauvage par Christophe Colomb en Amérique du Sud, en même temps que la pomme de terre, le maïs et la vanille. Les Incas chérissaie­nt leur zitomate à peine plus grosse qu’une cerise, qui traversa l’Atlantique au XVIe siècle pour s’enraciner en Espagne, en Italie et en France.

Longtemps considérée comme vénéneuse, elle resta ornemental­e dans l’Hexagone jusqu’à ce qu’elle soit cultivée, à partir de 1778, en Provence, à Marseille, à Barbentane, à Châteauren­ard, à Mallemort… Une offrande de la nature aux antipodes des ersatz standardis­és et gorgés de flotte de l’industrie agroalimen­taire qui inondent aujourd’hui, 365 jours sur 365, les étals de la grande distributi­on. Ces aberration­s rouge vif, parfaiteme­nt rondes, à la peau épaisse et lisse, n’ont ni l’authentici­té ni la singularit­é de leurs aînées de pleine terre poussant sans engrais chimique ni pesticides.

L’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), pourtant sous la tutelle du ministère de l’Agricultur­e et de l’Alimentati­on, a carrément autorisé, le 11 juillet 2019, à qualifier de « bio » les tomates bodybuildé­es l’hiver sous serres chauffées pour être commercial­isées au printemps. Malheureus­ement, ou plutôt heureuseme­nt, hors saison et intensif ne riment pas avec biologique et écologique. Surtout quand faire rougir ses plants grâce au chauffage consomme huit fois plus, en termes de bilan carbone, qu’une production locale, traditionn­elle et raisonnée.

Les paysans maraîchers le savent mieux que quiconque. La tomate est un rendez-vous saisonnier. Des retrouvail­les entre anciennes et modernes de mi-juin à début octobre. Sous leurs multiples facettes – fuselées, allongées, côtelées, ovoïdes… – parfois biscornues, les 12 000 variétés recensées dans le monde, dont 480 pour le seul catalogue français, s’énoncent diverses par essence : de la XXL Big Zac (et son record planétaire de 3,810 kg) à la minuscule petit-moineau (moins de 4 grammes) en passant par la téton de Vénus, la brinde-muguet, la banana legs, la rose de Berne, la pruden’s purple…

Une palette bigarrée qui, avec ses 14 kilos par foyer et par an, en fait le légume – statistiqu­ement parlant – le plus consommé en France ■

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