Art – Kentridge, totalement nôtre
Pourquoi il ne faut pas manquer la remarquable rétrospective du LaM, consacrée à l’artiste sud-africain.
Papier fusain, image animée, flipbook, tapisserie, sculpture, gravure, pochoir, carte, noir, blanc, mots, maux, gags, théâtre, danse, musique, opéra, humour. Et politique, de l’Afrique du Sud au monde entier. On ne résume pas l’art total de William Kentridge. On s’immerge, dix ans après le Jeu de Paume, dans la grande rétrospective de son oeuvre en France, au LaM, à Villeneuve-d’Ascq, tout près de Lille. Il faut s’y rendre absolument pour mesurer sur un parcours de quarante ans l’importance de l’artiste sud-africain, lauréat du Praemium imperiale 2019, parmi tant d’autres reconnaissances internationales.
Son père, un avocat blanc, a défendu Mandela. L’histoire de son pays – où Kentridge naît en 1955 et vit toujours (à Johannesburg) – habite l’oeuvre si singulière de celui qui, « faute » d’être peintre ou acteur (il a suivi l’école de mime Jacques-Lecoq, à Paris, au début des années 1980, et se met en scène avec une réflexive autodérision), ironise : « J’ai été réduit à dessiner. » Et tout est parti de ce don inouï, dès les gouaches de la pièce de théâtre Sophiatown (1989), exposées pour la première fois en Europe, qui portent l’énergie de ce Harlem sud-africain, un quartier métissé qui fut rasé.
Les processions suivent les migrations des hommes, rappellent le rôle des soldats africains au cours de la Première Guerre mondiale et la violence de l’apartheid dans Ubu dit la vérité, mais saluent aussi le cinéma de Georges Méliès et l’histoire de Rome. Chaque salle a son atmosphère propre, un monde bouleversant, à la fois ancré dans une époque et hors du temps, comme l’installation The Refusal of Time. Dans l’univers poétique de Kentridge, tout devient « nôtre »
■ « Un poème qui n’est pas le nôtre », LaM, Villeneuve-d’Ascq, jusqu’au 13 décembre.