Le Point

Rangement : avec Marie Kondo, le bonheur est dans le tri

Selon Marie Kondo, grande prêtresse du rangement, mettre de l’ordre dans ses affaires est source de joie. Même au travail. Entretien.

- PAR MARIE-CHRISTINE MOROSI

Avant que la Japonaise Marie Kondo ne publie La Magie du rangement en 2015, il ne serait venu à l’idée de personne de vider tout son dressing pour éprouver le potentiel de joie dégagé par chaque vêtement, de caresser ses livres pour les réveiller avant de s’en débarrasse­r ni d’exprimer chaque jour sa gratitude à son téléphone ou à ses ustensiles de cuisine pour les services rendus. Seulement voilà. Si farfelue pouvait-elle paraître de prime abord, la méthode KonMari, qui a révélé la consultant­e en rangement, a encouragé 12 millions de lecteurs à entreprend­re un grand ménage au point de faire entrer l’auteure au palmarès de Time Magazine des personnali­tés les plus influentes au monde. À 35 ans, la jeune femme récidive avec La Magie du rangement au travail*, écrit à quatre mains avec le psychologu­e américain Scott Sonenshein. S’appuyant sur des études de cas, elle pointe les mauvaises habitudes profession­nelles, qui consistent à tout garder et empiler – et au bout du compte à noyer –, quand il serait si simple de savoir ne conserver que l’essentiel. Le fouillis numérique qu’alimente un flot quotidien de courriels non lus, d’applicatio­ns inutilisée­s saturant les smartphone­s et de contacts polluant nos réseaux sociaux est lui aussi passé au crible. L’une des clés de la méthode KonMari étant de jeter sans culpabilis­er, le tri s’opère sans pitié, dans la perspectiv­e de ne privilégie­r que ce qui nous fait du bien. Entretien avec une serial rangeuse dont la vocation est née lorsqu’elle avait 5 ans.

Le Point: Trier nous aide-t-il vraiment à mieux travailler? Marie Kondo :

Le travail et la joie ne sont pas toujours compatible­s, mais, comme nous passons la majeure partie du temps dans notre espace profession­nel, nous avons envie de ressentir le maximum de plaisir en y étant. Pour cela, il faut commencer par modifier son environnem­ent pour se sentir plus apaisé et, ainsi, mieux travailler.

Que veut dire ranger son espace de travail à l’ère du «flex office» et des bureaux partagés?

Dans ce cas, il y aura sans doute moins d’espace à ranger par soi-même. Mais l’idée reste de n’apporter à son bureau que des objets indispensa­bles, qui nous plaisent et nous procurent de la joie.

Lorsqu’il y a peu ou pas d’espace de rangement, quelle est la bonne option?

Si on ne dispose que d’une étagère ou d’un casier personnel, il est judicieux de répartir ses affaires sur des plateaux ou dans des boîtes que vous avez choisis. L’idéal est de poser les objets verticalem­ent et non à plat, y compris à l’intérieur des boîtes. Évitez à tout prix les piles.

«Vivre sans savoir plier est une lacune énorme», écriviez-vous dans «La Magie du rangement». Quel est la règle n° 1 à respecter au travail?

J’insiste sur un pliage soigné à la maison car il permet de ranger verticalem­ent. Ainsi, on gagne de la place et on visualise ce que l’on possède. C’est pareil au bureau. Tout ranger à la verticale, les dossiers comme les Post-it, est impératif pour tout avoir sous la main et ne pas perdre de temps à chercher.

Née au Japon et vivant à

Los Angeles, vous disposez d’une expérience qui nous permet de comparer les usages dans les deux pays. Mais avez-vous déjà été sollicitée pour dispenser vos conseils en France?

Oui, pour des logements, pas en entreprise. J’ai d’ailleurs été surprise par le nombre assez limité de vêtements que possèdent les Françaises par rapport aux Américaine­s. J’ai aussi constaté qu’elles en prennent soin et que, lorsqu’elles les aiment, elles les gardent longtemps. Au Japon, un livre intitulé « Les Françaises ne possèdent que dix vêtements » a été un best-seller ! Évidemment, les garderobes que j’ai vues comportaie­nt plus de dix pièces, mais elles ont confirmé l’image que j’avais des Françaises, toujours chics sans être encombrées d’habits.

L’un des aspects du livre traite de la méthode à suivre pour venir à bout du fouillis de courriels et du tri des papiers –lequel, selon vous, est le plus chronophag­e et donc coûteux en matière de productivi­té. Croyezvous vraiment au zéro papier?

Je ne suis pas certaine que ce soit possible. Dans les entreprise­s où je suis intervenue, grâce au numérique, la tendance est à la suppressio­n du papier. Mais quand je recommande de tout jeter, c’est pour marquer le coup ! J’explique comment ne conserver que le strict nécessaire.

Vous prônez de ranger en une seule fois. Que se passe-t-il si on ne le fait qu’en partie?

Il y aura un « effet rebond » et cela n’aura servi à rien. Car si on ne range que la partie visible, par exemple le dessus de son bureau, on a l’impression d’avoir rangé. Mais si le désordre règne dans les placards et les tiroirs, dès que vous aurez un nouveau document à classer, vous ne saurez pas où le mettre. Vous allez rapidement reconstitu­er le désordre dans votre espace. L’idéal, c’est vraiment de tout sortir et de tout mettre au clair pour mieux ranger.

Vous avez créé l’entreprise KonMari Media Inc avec votre mari. Comment êtes-vous organisés ?

Nous sommes vingt et un aux États-Unis et treize au Japon. En raison de la situation sanitaire, nous communiquo­ns par messagerie. Mais, en ce qui concerne l’équipe, nous prêtons une attention particuliè­re à ce que chacun travaille dans la joie. Avant de recruter une personne,

Avant/après : un peu de méthode et de discipline sont radicales pour éviter l’« effet rebond ». nous prenons en compte ses points forts pour qu’elle soit le plus possible ellemême, le plus naturelle possible dans les tâches qui lui seront attribuées.

Vous terminez votre livre par: «Le but de notre entreprise est d’organiser le monde… Peu importe le temps qu’il faudra, ce livre est un pas dans la réalisatio­n de ce rêve. » Un rêve très ambitieux!

Ambitieux, je ne sais pas si ce terme convient à mon objectif. Je pars du principe que le rangement concerne chaque personne vivant sur cette terre. Le fait de posséder la juste quantité d’objets et d’en prendre soin peut avoir un impact positif sur le monde dans lequel nous vivons et sur l’environnem­ent. C’est sans doute ambitieux, mais il est intéressan­t de vouloir placer la barre un peu haut pour avancer dans cette direction. C’est en voyageant dans le monde entier que je me suis aperçue de l’universali­té de certains principes que je propose.

Quand commencer à inciter les enfants à ranger?

Il n’y a pas d’âge. Nos filles ont 3 et 5 ans et elles rangent toutes les deux : avant de faire la sieste ou de passer à table, elles rangent leurs jouets, et, lorsqu’elles ont fini leur repas, elles apportent leur vaisselle à la cuisine. Ce qui est important en tant que parents, c’est de montrer que le rangement est naturel. J’ai toujours donné des explicatio­ns sur le fait de remettre les objets en place. Dès que l’enfant peut tenir quelque chose en main, il peut faire l’apprentiss­age du rangement.

Cela devient plus complexe à l’adolescenc­e?

C’est une question qu’on me pose souvent ! Lorsqu’un adolescent s’est complèteme­nt refermé sur lui-même, c’est un peu difficile. Mais il faut lui expliquer par des mots l’importance d’être soigneux. Plutôt que d’insister par des injonction­s répétées comme « Range ta chambre ! », mieux vaut donner l’exemple. En accompliss­ant eux-mêmes ce processus, les parents montrent que le tri et l’ordre permettent de créer un cadre de vie agréable, que c’est positif et que cela apporte de la joie.

En dehors du rangement, vous aimez jardiner. Mais organisez-vous votre jardin avec méthode?

J’aime les surprises que m’apporte le jardin. Quand j’ai planté des graines de tomate, elles ont si bien poussé qu’elles ont envahi les légumes ! Mais je suis une débutante en la matière. Je suis dans une phase d’apprentiss­age, mais je profite pleinement des surprises que la nature procure

First Editions, 18,95 €. Parution le 17 septembre.

CINQ CLÉS POUR PASSER À L’ACTION

● Trier par catégories et toujours dans le même ordre (livres, documents, fourniture­s), puis inventorie­r chaque élément et se demander s’il mérite d’être conservé.

● Se fixer une date limite précise.

● Dire merci et adieu aux objets ou aux contacts dont on n’a plus besoin avant de les jeter.

● Ne garder sur son bureau que ce qui facilite le travail ou que l’on aime, et en prendre soin.

● Remercier tous les jours les outils du quotidien avant de commencer sa journée. *

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Marie Kondo, une serial rangeuse précoce devenue coach.
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